Chapter Five

Vanaprastha et Sannyfisa
I. Ordre du vanaprastha
o Ayant acheve sa periode de brahmacharya,
qu’un homme entre dans le grihastha (en se
mariant); _puis dans le vanaprastha; ensuite qu’il
devienne un sannyasin. » (Shatapatha Brahman,
XIV.)
Voici l’ordre consecutif des diverses etapes de la
vie :
« Le dvija, ayant prealablement termine ses
etudes au cours du brahmacharya, ayant vecu
ensuite dans l’ordre des maitres de maison, doit
se retirer dans la foret, anime d’une ferme foi,
parfaitement maitre de ses sens. #

Lorsque le chef de famille voit sa peau se rider
et ses cheveux blanchir, et qu’il a sous les yeux le
fils de son fils, qu’il se retire dans une foret.
Renoncant a toutes les bonnes choses de la
ville, telles que les mets delicats, les beaux vetements,
confiant sa femme is ses fils, qu’il parte seul,
ou bien qu’il emmene sa femme avec lui. *
o Emportant tous les ustensiles, etc… necessaires
l’accomplissement du homa, qu’il quitte la ville
et s’etablisse dans une for& solitaire, ayant parfaitement
matrise ses sens. *

* Qu’il accomplisse les cinq grands devoirs
quotidiens avec diverses sortes de nourritures,
telles que le soma, etc…, des herbes vertes, des
racines, des fleurs, des fruits et des tubercules ;
qu’il les offre aux atithis et qu’il en vive lui-meme.
Qu’il s’applique sans cesse a l’etude et a l’enseignement,
l’esprit calme, bienveillant envers tous,
maitrisant ses passions; qu’il donne aux autres des
presents, tels que la connaissance, et qu’il se montre
compatissant a regard de toutes les creatures
vivantes. Qu’il n’accepte pas de presents. C’est
ainsi qu’il doit se conduire. a (Manu, VI, 1, 3, 4,
5, 8.)

• Indifferent au confort materiel, qu’il vive
comme un brahmacharin meme si sa femme est
aupres de lui, qu’il dorme sur la terre, habitant
sous un arbre; qu’il ne s’attache ni a ce qu’il
possede, ni a ceux qui dependent de lui. (Manu,
VI, 26.)
* Les hommes savants, a l’esprit apaise, qui
menent une vie equitable dans la ‘retraite, ayant le
of desk de connaitre et d’embrasser la verite,
fibres de toute impurete, vivant d’aumones, ceux-la,
grace I la pratique du yoga, parviennent I la
conscience de l’esprit permanent, immortel et
omnipresent, et jouissent ainsi d’une joie parfaite.
(Alundaka Upanishad, II, 11.)
Un vanaprastha doit prier ainsi :

c 0 Dieu de verite, ayant ete initie par le rite du
homa, puisse-je observer mes vceux : etre vrai en
paroles, en action et en pensee, et garder en toi une
ferme foi. » (Yajur Veda, XX, 24.)
Il convient donc qu’un vanaprastha cultive toutes
les vertus, en particulier la verite, qu’il frequente
des hommes savants et pieux, qu’il acquiere des
connaissances, en particulie? des connaissances
divines — et qu’il purifie son esprit grace a la
pratique du, yoga et de la meditation.
Plus tard, lorsqu’il desire entrer dans le quatrieme
ordre, qui est celui de la renonciation (sannyasadshrama),
qu’il renvoie sa femme aupres de ses fils,
si elle ne desire pas le suivre dans ce quatrieme
ordre.

II. Ordre du sannyisa
Lorsque l’anachorete a ainsi passe dans la fork
la troisieme periode de son existence (de la cinquantierne
a la soixantieme armee), que pendant la
quatrieme it embrasse la vie ascetique, renongant
entierement a toute espece de liens. * (Manu, VI,
33.)
Question : Est-ce un peche de devenir un sannyasin
sans passer par les etapes intermiciiaires du
grihastha et du vanaprastha ?
Reponse : Oui et non. — Celui qui adopte la vie
de sannyasin aussitot apris l’etape du brahmacharya,
mais se laisse aller ensuite a la sensualite est
le pire des pecheurs; au contraire, celui qui elite
cette chute est le plus grand des saints.

« Qu’un homme devienne un sannyasin le jour ou it
se sent libere de tous les desirs et de toutes les
affections du monde; peu importe qu’il soit alors
au stade du vanaprastha, du grihastha ou du
brahmacharya. (Brahmans Grantha.)
Ainsi, it y a trois possibilites : Premierement,
suivre l’ordre normal des quatre etapes mentionnees
ci-dessus. Deutiiernement, entrer dans l’ordre
du sannyasa en sortant du grihastha. Troisiemement,
passer directement du brahmacharya au grihastha.
Cette derniere solution ne saurait convenir qu’
un homme possedant la connaissance parfaite,
ayant absolument maitrise ses sens et son esprit
(libere de tous les attachements sensuels), et anime
par le vif desir de travailler pour le bien d’autrui.

Dans les Vedas egalement, la pratique du sannyasa
est recommandee en ces mots : « Que le brahmane
devienne un sannyasin, etc… *
Mais celui dont le caractere est bas, qui n’est
pas libere des passions, celui qui n’est pas un yogin
et dont l’esprit est insatisfait, ne saurait connaitre
Dieu et communier avec lui, meme s’il est un
sannyasin. » (Katha Upanishad, II, 23.)
C’est pourquoi «il convient qu’un sannyasin sage,
garde son esprit et ses discours de tout ce qui est
mal, pour les appliques a l’acquisition de la connaissance
et a la realisation de l’Etre supreme qui est
toute paix, et qu’il se repose en lui. » (Katha Upanishad,
III, 13.)

« Que le brahmane, en devenant un sannyasin
considere que toutes les joies de ce monde depen
dent des actes, et que l’Esprit supreme n’etant pas
le resultat des actes, les actes seuls ne peuvent
conduire a sa realisation. Celui qui le cherche doit
done abandonner l’amour du monde et, tenant en
main un present, se rendre aupres d’un instructeur
spirituel verse dans les Vedas et consacre a Dieu;
c’est ainsi obtiendra la divine connaissance et
sera libere de ses doutes. » (Mundaka Upanishad,
II, 12.)

Mais qu’il evite la compagnie de aces ignorants
qui, dans leur arrogance, se considerent comme
erudits et sages; gonfles de vain orgueil, ils voyagent
a travers le monde comme des aveugles guidant des
aveugles, pour le plus grand mal des autres et
d’eux-memes. » (Mundaka Upanishad, II, 8.)
Qu’il fuie egalement ( ceux qui, etant ignorants,
croient avoir atteint le but de leur vie, a raide des
actes seuls. Les actes seuls ne sauraient conduire
la connaissance de Dieu, en sorte que ces titres,
plonges dans le monde, sont affliges par la douleur
et le chagrin, et souffrent l’incessante misere des
renaissances et de la mort. » (Mundaka Upanishad,
II, 9.)

L’ame incarnee ne peut jamais se liberer du
plaisir ou de la douleur; mais lorsque fame desincarnee,
purgee de toutes ses impuretes, se trouvant
emancipee, vit en Dieu qui penetre tout, les plaisirs
et les peines de ce monde ne sauraient l’affecter plus
longtemps. » (Chhandogya Upanishad, VIII, 12.)
Qu’un sannyasin renonce aux attachements de la
gloire, de la richesse et du pouvoir et aux joies qui
en decoulent; qu’il renonce de meme aux attachements
familiaux; qu’il vive d’aumones, et se
consacre nuit et jour a toutes les chores qui conduisent
a la beatitude eternelle. ► (Shatapatha
Brahman, XIV, 2, 1.)

Question : Quel est le dharma (les devoirs propres)
d’un sannyasin?
Reponse : Le dharma de tous les hommes, c’est
la pratique de l’equite, la devotion a la justice,
(‘acceptation de la verite, le rejet de l’erreur,
l’obeissance a la volonte de Dieu telle qu’elle est
revelee dans les Vedas, et le service du bien public.
Mais les devoirs propres du sannyasin sont les
suivants :
*Qu’un sannyasin regarde A terre lorsqu’il marche,
et non pas ici et IA. Qu’il filtre son eau avec un
linge avant de la boire; qu’il dise toujours la verite
et reflechisse inurement avant d’agir, ce qui lui
permettra d’adopter la verite et de rejeter l’erreur. *
(Manu, VI, 46.)

a Si dans le cours d’une discussion un homme
s’irrite contre lui, qu’il ne s’emporte pas a son tour.
Wine si on l’injurie, qu’il dise avec bonte ce qui
doit etre dit; qu’il ne prononce jamais une parole
fausse — la parole penetre les sept pones du corps
humain, a savoir la bouche, les narines, les yeux et
les oreilles. s (Manu, VI, 48.)
a L’ame apaisee, concentree sur l’Esprit supreme;
qu’il demeure indifferent au plaisir et a la douleur,
qu’il s’abstienne de viandes et d’intoxicants, qu’il
ne recherche que le bonheur spirituel, et qu’il
chemine en prechant l’evangile de la verite, eclairant
le monde par la lumiere de la connaissance. *
(Manu, VI, 49.)

« Ayant ses cheveux, ses ongles et sa barbe
coupes, s’etant muni d’une cruche a eau et d’un
baton, portant des vetements couleur d’ocre, qu’il
erre avec l’esprit tranquille, evitant de faire du mal
a aucune creature animee. * (Manu, VI, 52.)
Qu’il maitrise ses organs, qu’il renonce a toute
espece d’affection ou de haine; qu’il evite de faire
du mal aux creatures, et se prepare a l’immortalite. *
(Manu, VI, 60.)

« Qu’il soit loue ou denigre, qu’un sannyasin
demeure impartial envers tous, qu’il pratique luimeme
la vertu et s’efforce de l’inspirer aux autres.
Qu’il se rappelle que porter le baton, la cruche, les
vetements ocres — insignes de l’ordre auquel it
appartient — ne signifie pas qu’il en a rempli les
devoirs. Elever les hommes par la predication de
la verite, par la communication de la connaissance
et de la sagesse, voila le devoir supreme d’un
sannyasin. q (Manu, VI, 66.)
« Ainsi, quoique le fruit du kataka (1) ait la
propriete de purifier l’eau, cependant on ne saurait
purifier l’eau simplement en entendant ou en
prononeant le nom de ce fruit. * (Manu, VI, 67.)

Qu’un sannyasin pratique donc systematiquement
le pranayama en meditant sur la syllabe AOM
— le nom supreme de Dieu, et sur les vyaltritis (1);
qu’il ne fasse jamais moins de trois pranayamas;
ceci seul constitue la plus grande devotion. s
(Manu, VI, 70.)
« De meme qu’un orfevre, en soufflant fortement
sur l’or expose au feu, le debarrasse de ses impuretes,
de meme le pranfiyama, qui chasse le souffle a
travers les poumons, consume les impuretes de
l’esprit et des organes. » (Mann, VI, 71.)

Qu’un sannyasin consume done les impuretes de
ses sens, de son esprit et de son ame, en pratiquant
le pranayama, qu’il efface ses fautes en pratiquant
la dharanii (2), qu’il detruise ses attachements
sensuels grace an pratyahifra (3), et les qualites
opposees a la nature divine, telles que la joie et la
douleur ou l’ignorance, par le dhyeina (4). » (Mann,
VI, 72.)
« En se livrant a la meditation profonde selon le
yoga, qu’il observe en toutes choses la marche et le
travail de. l’esprit omniscient, comme aussi de sa
propre ame ; les ignorants, ceux qui ne sont pas des
yogins, discernent difficilement ces choses.* (Manu,
VI, 73.)
Seuls les sannyasins peuvent atteindre en ce
monde a la supreme beatitude, en s’abstenant de

faire du mal a toutes les creatures vivantes, en
renoncant aux plaisirs des sens, en accomplissant
les actions justes et les pratiques devotionnelles
prescrites par le Veda. » (Manu, VI, 75.)
« Ce n’est que lorsqu’un sannyasin renonce a
tout desir pour les choses de ce monde, lorsque ses
pensees et ses sentiments sont purifies, qu’il atteint
cette felicite veritable qui subsiste apres la mort. »
(Manu, VI, 80.)
« Tous ceux qui appartiennent aux quatre ordres
doivent pratiquer assidfiment les dix vertus qui
constituent le dharma :
1. La fermete et le contentement de l’esprit.
(Manu, VI, 91.)
2. Le pardon (des offenses) en toutes circonstances,
que l’on soit blame ou loue, honore ou meprise,
etc…

3. La consecration de l’esprit a la vertu, l’abstention
du mal, meme sous la forme d’une pensee
fugitive.
4. L’honnetete.
5. La purete physique et mentale. La purete
mentale consiste a etre libere de sentiments excessifs
: amcur, haine, prejuges, injustice, etc… La
purete physique consiste a maintenir le corps dans
un kat de proprete a l’aide d’eau, de terre, etc…
6. La discipline des sens, et la liberation du
peche.
7. Le developpement de l’intelligence ; on
s’abstiendra de boissons enivrantes et autres
produits prejudiciable: au developpement intellectuel; on evitera la compagnie des mechants, la
paresse et la negligence. On fera usage d’aliments et
de produits favorables a la sante; on frequentera des
hommes de caractere noble; on pratiquera le yoga.

8. L’acquisition d’une connaissance adequate de
toutes choses materielles et spirituelles. L’application
de cette connaissance. En d’autres mots :
connaitre les choses telles qu’elles sont; parler selon
ce que l’on sait; agir ainsi que l’on a dit — voila
la vraie connaissance ; le contraire est l’ignorance.
9. La veracite est l’harthonie entre la pensee, la
parole et l’action.
10. La liberation de la colere et autres mauvaises
habitudes; l’acquisition de la serenite de l’esprit,
et autres bonnes qualites.
Que tous pratiquent la bonne conduite de la vie
exposee dans les dix regles precedentes avec justice
et impartialite. C’est tout particulierement le
devoir des sannyasins de suivre cette regle de vie
enjointe par les Vedas; grace a leur enseignement,
ils aideront les autres a la pratiquer aussi.

« S’etant graduellement affranchi de tout attachement
au monde, devenu insensible a toutes les
conditions opposees, comme la joie et la douleur,
un sannyasin demeure en ce Dieu qui penetre tout.
(Manu, VI, 81.)
Que les sannyasins eclairent done l’esprit des
grihasthas et des autres, qu’ils les delivrent de leurs
doutes, qu’ils les liberent des liens de la mauvaise
conduite et les aident a suivre le chemin de la
rectitude. Tel est le devoir des sannyasins.

Question : Les brahmanes ont-ils, seuls, le droit
d’embrasser le sannyasa, ou bien les kshatriyas et les
autres peuvent-ils le faire aussi ?
Reponse : Seuls les brahmanes ont ce privilege.
Parmi les quatre classes, celui-la seul est appele
brahmane dont la connaissance est parfaite, qui est
des plus vertueux et se consacre au bien public.
Embrasser le sannyasa sans avoir acquis la connaissance
parfaite, sans avoir acquis une ferme foi en
Dieu et en la verite, sans avoir renonce a toutes les
choses du monde, ne peut conduire a rien de bon.
C’est pourquoi it est dit couramment que seul un
brahmane jouit du privilege d’entrer dans le
sannyasa, et non les autres. Void le temoignage du
sage Manu sur ce point : < 0 sages ! ce quadruple
devoir du brahmane vous a ete revele. Il conduit au
vrai bonheur dans cette vie et a la felicite eternelle
dans l’autre. Connaissez maintenant les devoirs des
kshatriyas, la classe qui est appelee a gouverner. *
(Manu, VI, 97.)

Q.: En quoi le sannyasa est-il necessaire ?
R. : De meme que la tote est necessaire au corps,
de meme le sannyasa pour les autres ordres. Sans
le sannyasa, it ne saurait y avoir aucun progres
dans la connaissance et dans la justice. Ceux qui
appartiennent aux autres ordres, engages dans les
responsabilites familiales, les pratiques religieuses,
et autres occupations, disposent de peu de temps.
De plus, it est tres difficile pour ceux qui appartiennent
aux autres ordres de rester vraiment
impartiaux dans tous leurs rapports avec autrui;
dans le devouement au bien public, ils ne sauraient
egaler un sannyasin libere de tous les liens avec le
monde. Les hommes des autres ordres ne peuvent
pas trouver autant de temps que le sannyisin, qui
possede une connaissance veritable de toutes
choses, pour clever le peuple, et pour l’ectairer
sur tous les sujets. Le bien accompli par ceux qui
entrent dans Petat de sannyasa directement au
sortir du brahmacharya, pour enseigner et precher
la verite, ne peut jamais titre egale par ceux qui
y entrent apres le grihastha ou le vanaprastha.

Q. : Le sannyasa n’est-il pas contraire aux
desseins de la Providence qui est de voir les hommes
se multiplier ? Si personne ne devait se marier, it n’y
aurait pas d’enfants. Le sannyasa etant l’ordre supreme,
si tous les hommes y entraient, la race humaine
tout entiere s’eteindrait.
R. : Ne voit-on pas beaucoup de gens sans
enfants, meme s’ils sont maries ? De plus, beaucoup
d’enfants meurent. Ces faits seraient donc egalement
contraires aux desseins de Dieu. Mais on
dira : « Nul ne saurait blamer un homme qui n’arrive
pas a son but meme en s’y efforcant de son mieux. *
Nous ferons remarquer aussi que beaucoup de
jeunes hommes dans l’ordre du grihastha sont tues
en luttant les uns contre les autres, et que c’est
une grande perte pour la societe. La perversion de
l’intelligence est a l’origine de plus d’une querelle.
Mais le sannyasin, en prechant la vraie conduite de la
vie telle qu’elle est enjointe par les Vedas, creera
l’harmonie et l’amour entre les Bens et les nations
qui sont en ce moment divises par l’hostilite; it sera
le sauveur de centaines de milliers de vies, et travaillera
ainsi, aussi bien que le grihastha, a l’accroissement
de la population. De plus, it est impossible
que tous les hommes embrassent le sannyasa, parce
qu’il y en aura toujours qui ne pourront se liberer du
desir. Ceux qu’un sannyasin a detournes de la mauvaise
conduite pour les amener a une vie d’equite,
it peut vraiment les considerer comme ses enfants.

Q. : Les sannyasins disent qu’ils n’ont pas
de devoirs a accomplir. Its re coivent ce qui leur
est necessaire (nourriture, vetements, etc…) des
maitres de maison, et jouissent des plaisirs du
monde. Queue raison auraient-ils de se soucier
de ce monde d’ignorance ? Its se croient identiques
a Brahman (Dieu) et demeurent satisfaits. Si quelqu’un
leur pose une question a cet egard, ils repondent
toujours de meme a leur interlocuteur, a savoir
que lui aussi est Dieu, que le peche et la vertu ne
sauraient toucher Fame, parce que la perception
du chaud et du froid est fonction du corps, que la faim
et la soif dependent des forces nerveuses (1), et le plaisir
et la douleur de l’esprit. Le monde, disent-ils, n’est
qu’une illusion, et de meme les choses du monde.
11 est donc deraisonnable de s’y laisser prendre. La
vertu et le vice sont fonction des sens et de l’esprit,
non de Paine. C’est ainsi qu’ils parlent des devoirs
(1) Dana Poriginal : prim. (N. du T.)
des sannylsins. Vous nous enseignez autrement. De
ces deux opinions, laquelle devons-nous considerer
comme juste et laquelle comme fausse ?
R. : Ce n’est meme pas leur devoir d’accomplir
de bonnes actions ? Ecoutez ce que dit Manu :
o En accomplissant des actions vertueuses, ainsi que
l’ordonne le Veda, les sannyasins jouissent de la
felicite eternelle. Il est done clair d’apres Manu,
que la pratique de la bonne conduite est indispensable
pour les sannyasins. Peuvent-ils se passer de
nourriture et de vetements, et des autres choses
necessaires a la vie ? S’ils ne le peuvent pas, n’est-ce
pas un peche de leur part d’abandonner la pratique
d’actes vertueux

Its acceptent alors de la nourriture,
des v8tements et autres choses necessaires
la vie de la part des maitres de maison, tandis qu’ils
ne leur rendent aucun bien en retour. Ne sont-ils
pas ainsi les plus grands des pecheurs ? De meme
qu’il est inutile d’avoir des yeux et des oreilles si
l’on ne peut voir et entendre, de meme ces sannyasins
qui ne prechent pas la verite, qui n’etudient
et n’enseignent pas les Vedas et les autres Shistras
sont un simple fardeau pour la communaute. Ceux
qui disent et ecrivent qu’ils ne peuvent pas se
soucier de ce monde d’ignorance sont eux-memes
menteurs et ignorants. Its favorisent ainsi le developpement
du peche, et sont, de ce fait, les plus
grands des pecheurs. Tout acte accompli par le
corps et ses organes est inspire par l’ ame qui,
par la meme, est seule a jouir ou a souffrir des
consequences. Ceux qui declarent que ame
humaine est identique a Dieu, dorment du lourd
sommeil de l’ignorance, car l’Ame humaine est
finie, et possede une connaissance limitee, tandis
que Dieu est infini, omnipresent et omniscient.
De plus, Dieu est eternel, saint et libre de par sa
nature, tandis que fame humaine est parfois libre
et parfois enchainee. Dieu, etant omnipresent et
omniscient ne saurait etre sujet au doute et a
l’ignorance, tandis que fame humaine est parfois
ignorante et parfois eclairee. De plus, Dieu ne
souffre ni la naissance ni la mort, tandis que fame
humaine y est soumise. Ces enseignements dont
vous parlez sont donc faux.

Q. : Puisque les maitres de maison pratiquent
l’enseignement et la predication, pourquoi les
sannyasins sont-ils necessaires ?
R. : Il convient que les hommes et les femmes
appartenant aux divers ordres, enseignent et
prechent autant qu’il est en leur pouvoir de le
faire, mais les maitres de maison ne peuvent disposer
d’autant de temps que les sannyasins, et ne sauraient
etre aussi impartiaux. On a raison de dire que
c’est le devoir des brahmanes d’enseigner et de
precher — les hommes enseignant les hommes, et
les femmes, les femmes. Mais it est impossible
qu’un grihastha consacre autant de temps qu’un
sannyasin a voyager. De plus, ainsi qu’il est declare
dans les Vedas, ce sont les sannyasins qui empechent
les brahmanes de devier du droit chemin. C’est
pourquoi les sannyisins sont une necessite.

Q. : On dit encore qu’un sannyisin ne devrait
demeurer en aucun lieu plus d’une nuit. Cela
est-il vrai ?
R. : Cela est vrai en un sens ; car en demeurant
en permanence dans un meme lieu, un sannyisin
ne peut pas rendre beaucoup de services. Il est
susceptible de s’attacher a ce lieu et de se mettre
a aimer ou a hair. Cependant, dans le cas oil un
sannyasin peut faire beaucoup de bien en demeurant
dans un endroit donne, qu’il y reste. C’est ainsi
qu’autrefois, le sannyasin Panchashikha demeura
aupres du roi Janaka pendant quatre mois, et
d’autres pendant des annees. Cette regle interdisant
de rester longtemps au meme endroit a ete imaginee
par des hypocrites sectaires, craignant que si un
faux sannyasin demeure longtemps en un lieu son
imposture ne soit decouverte, et qu’on n’y mette
un terme.

en enfer. » — Que dites-vous de cette parole ?
R. : Ceci est encore tine invention d’orthodoxes
sectaires et extremement egoistes — ennemis
des classes et des ordres. Ils, savent que si un
sannyasin obtient de l’argent, cela l’aidera puissantment
a demasquer leur imposture. Puisque l’on considere
que c’est une bonne action de donner a des
ignorants et a des egoistes, donner a des sannyasins
erudits et altruistes ne saurait etre une mauvaise
action. Il est dit : « Qu’un homme donne aux sannyisins
des presents d’or et de pierres precieuses.
Il est vrai cependant que si un sannyasin garde
plus d’argent qu’il ne lui en faut, it risque d’etre
trouble par la crainte des voleurs et de se laisser
aller a la convoitise. Mais celui qui est veritablement
erudit et sage ne fera rien de mal ; it ne se
laissera pas non plus attacher par les biens materiels,
car it a joui de tous ces biens lorsqu’il etait novice
ou maitre de maison ; ayant connu ces plaisirs, it
en a compris le caractere ephemere.
Et s’il est entre dans le sanny Asa directement sans
passer par les stades intermediaires, etant reellement
detach& it ne saurait se laisser prendre a ces choses.

Q. : Il est dit que lorsqu’on invite un sannyasin
a un shraddha (1), les esprits des ancetres s’enfuient
de ce lieu et tombent en enfer. Cela est-il exact ?
R. : Premierement it est impossible que les
esprits des morts viennent a un shraddha et recoivent
les victuailles et les boisson‘s qui sont offertes
aux pretres. Cela est contraire aux enseignements
des Vedas aussi bien qu’a la raison. S’ils ne viennent
pas au shraddha, ces esprits ne peuvent donc
s’enfuir. Comment peut-on croire au retour des
manes, puisque toutes les Ames renaissent apres
la mort, salon les lois divines, et d’apres la nature
de leurs actions ? Cette fausse doctrine est encore
une invention de pretres egoIstes et de vairdgins (2).
II est vrai que toutes les fois que des sannyasins
iront a un shraddha, cette imposture contraire au
Veda disparaitra immediatement.

Q. : Celui qui embrasse l’etat du sannyasa
directement au sortir du brahmacharya ne pourra
jamais rester maitre de lui, car c’est chose tres
difficile que de controler les &sirs sensuels. C’est
pourquoi it est preferable de n’entrer dans le
sannyasa que dans la vieillesse, apres avoir passe par
le grihastha et le vanaprastha.
R. : Que celui qui est incapable de maitriser
ses passions evite d’entrer dans le sannyasa au sortir
du brahmacharya; mais pourquoi interdire cette
voie a celui qui est maitre de lui ? Celui qui a
parfaitement compris la vanite du desir et les avantages
de la chastete, ne saurait succomber aux
tentations des sens. L’element reproducteur sert
de combustible an feu de la pensee ; it est utilise
dans l’exercice de l’intelligence. De meme que les
titres sains se passent de medecins et de drogues,
de meme l’homme ou la femme dont le but est de
repandre la connaissance, de servir la cause de la
vraie religion, et de travailler au bien de l’humanite,
devraient pouvoir se dispenser du mariage.

C’est pourquoi ceux-la seuls ont le droit de
devenir des sannyasins qui sont dignes de cet office.
Si celui qui est indigne de le faire entre dans le
sannyasa, it sombrera lui-meme, entrainant les autres
dans sa chute.
De meme que le samnidrdja est un souverain
universel, de meme un sannydsiparivnij est un
instructeur universel de l’humanite. Mais tandis
que le souverain n’est respecte que dans son propre
pays et parmi les siens, un sannyasin est honore partout.
Nous lisons dans le Vriddha Chanakya : « Il ne
saurait y avoir aucune comparaison entre un roi
et un savant, puisque l’un est respecte dans son
propre pays, tandis que l’autre est honore partout.

Resumons brievement les devoirs des quatre
ordres :
Le brahmacharya (ou premier stade de la vie),
a pour but le parfait developpement du corps et
l’acquisition de la connaissance et de la culture:
Le grihastha (ou second stade de la vie), est consacre
a la poursuite d’occupations utiles, aux obligations
professionnelles, etc…
Le vanaprastha (ou troisieme stade de la vie),
permet la reflexion, la concentration de l’esprit
sur des sujets metaphysiques et l’acquisition de la
connaissance divine.

Le sannyisa (ou quatrieme stade de la vie), a pour
but de repandre la connaissance du Veda et des
Shastras. 11 comporte la pratique de la vertu, le
renoncement au vice, la predication de l’evangile
de la \Teri* la destruction du doute et de l’ignorance.
Mais les sannyasins qui n’accomplissent pas
les devoirs les plus sacres de leur ordre, comme de
precher la verite et d’eclairer l’esprit de ceux qui
doutent, sont les plus vils des scelerats et iront en
enfer. C’est pourquoi ii convient que les sanny bins
se consacrent assidilment a precher la yen* a
eclairer l’esprit de ceux qui doutent, a etudier les
Vedas et les Shastras, a propager la religion vedique,
et a travailler de ce fait au bien (physique, social,
mental et spirituel) du monde entier.

Q. : Doit-on considerer comme des sannyksins
les autres religieux mendiants tels que les yak agins,
les khakins (1), etc… ?
R. : Non; ces gens-la ne possedent pas un
seul des caracteres propres du sannyasin. Ils suivent
des doctrines anti-vediques, respectent les dogmes
de leur secte plus que le Veda, chantent les louanges
de leur propre croyance, se livrent a des
pratiques frauduleuses, travaillent pour des buts
egoistes, et prennent les hommes au piege dans
leurs doctrines et leurs croyances respectives. Loin
de faire aucun bien dans le monde, ils egarent les
gens, les conduisent a la decheance, et realisent
leurs ambitions. Ils n’ont done aucun droit a se
ranger dans l’ordre des sannyasins ; au contraire, leur
ordre peut etre considers a juste titre comme l’ordre
des egoistes.
Ceux-la seuls meritent le titre de sannyasin, ou
de grandes Ames, qui marchent sur le chemin de la
justice et aident les autres a faire de merne, ceux
qui assurent leur bonheur en meme temps que
celui du monde entier, ici-bas et apres cette vie.