Chapter Two

De l’Education
des Enfants
# En verite, cet homme seul peut devenir un
grand savant qui a eu le privilege d’être instruit par
trois bons educateurs : le pere, la mere, le maitre.
Heureuse est la famille, bienheureux est l’enfant,
lorsque les parents sont savants et pieux. Pour le
bien de ses enfants, l’influence de la mere surpasse
celle de tout autre personne. Nul ne saurait avoir
le meme amour pour eux, le meme souci de leur
bien-titre. Bienheureuse est la mere qui ne cesse de
communiquer a son enfant un esprit religieux,
depuis le temps de la conception jusqu’a ce que son
education soit achevee.

II convient que les parents evitent de faire usage
de boissons et d’aliments intoxicants, malodorants,
sans valeur nutritive et prejudiciables au developpement
intellectuel, aussi bien avant, qu’apres la
conception. Its prendront, au contraire, des aliments
qui procurent la tranquillite d’esprit, la sante, la
force, l’intelligence, l’energie, la bonne humeur, et
qui affinent la nature humaine tout en lui donnant
de la vigueur. Parmi ces aliments, citons le lait, le
beurre, le sucre, les cereales, etc…

(Suivent des rigles assez precises permettant de
choisir le moment le plus favorable a la conception) (1).
Au moment de l’union sexuelle, le mari et la
femme doivent etre en pleine sante, mutuellement
heureux, et liberes de tout chagrin. En matiere de
regime et d’habillement, ils suivront les regles
enoncees par Charaka et Sushruta, et pour se
rendre mutuellement heureux les methodes enseignees
par Manu.
Lorsque l’enfant est ne et que son cordon a ete
lie, it faut le baigner dans de l’eau aromatisee; le
rite du homa sera accompli avec du beurre clarifie et
parfume. La mere aussi sera baignee et son regime
surveille. Apres l’accouchement, la mere et l’enfant
seront transportes dans une autre chambre, meublee
de choses belles et d’odeur agreable. Its vivront
dans une atmosphere pure.

Une mere devra elever ses enfants de fa con a
affiner leur caractere et leurs manieres, et ne jamais
leur permettre de se mal conduire. Lorsque l’enfant
commence a parler, la mere lui apprendra tout de
suite a prononcer correctement, en donnant leur
valeur exacte aux consonnes et aux voyelles. Elle
cultivera chez son enfant une voix douce et agreable.
Des qu’il commence a comprendre et a
parler, it faut lui enseigner la maniere de s’adresser
a ses superieurs, a ses inferieurs, a son pere,
sa mere, au roi, a un erudit, et lui apprendre a se
(1) (N. du T.)
conduire convenablement en leur presence, en sorte
qu’il ne soit jamais meprise en societe, mais au
contraire traite avec respect. Les parents devraient
inculquer a leurs enfants un grand &sir, un
grand amour de la connaissance, leur apprendre
a maitriser leurs sens et a rechercher la compagnie
des gens de bien.

Les enfants ne doivent pas manifester immoderement
leur plaisir et leur joie, ni pleurer, rire ou se
battre sans raison. Il faut leur inculquer la franchise,
l’heroisme, la patience et la bonne humeur. A rage
de cinq ans, on commencera a leur enseigner le
sanskrit, ainsi que les langues etrangeres ; Hs apprendront
par cceur des morceaux de prose ou de poesie
propres a leur inspirer l’amour de la vertu, de la
connaissance et de Dieu. Ces passages leur enseigneront
aussi a se comporter comme it convient
vis-a-vis de leurs parents, de leurs maitres, de
leurs amis, et de tous ceux qu’ils sont appeles
frequenter. Its eviteront ainsi les mecomptes auxquels
les exposerait l’ignorance de ces principes.
Les parents devront les mettre en garde contre
toute superstition et les interesser a la vraie religion
et a la science.

Les ignorants s’imaginent que les malades sont
possedes par des esprits. Au lieu de leur faire suivre
un regime et un traitement medical, on s’adresse
un charlatan. Celui-ci repond : I Le soleil et les
&ones ne sont pas favorables au malade. Si vous
accomplissez une ceremonie propitiatoire, si vous
faites chanter des formules magiques ou reciter
des prieres, si vous faites des liberalites, it retrouvera
la sante; autrement je ne serais pas etonne
qu’il perde la vie apres une longue periode de
souffrance. » Toute cette charlatanerie n’a pour but
que de depouiller les naffs de leur argent.

Ce n’est pas ]’influence des etoiles qui fait les uns
riches et les autres pauvres, les uns rois et les autres
sujets. La condition des hommes est le resultat de
leurs actions bonnes ou mauvaises.
En fait, ]’horoscope sonne le glas du bonheur.
En effet, la naissance d’un enfant remplit le cceur
de joie, mais cette joie prend fin des la lecture de
]’horoscope. Lorsque l’enfant est ne, les parents
disent au pretre : « 0 maitre, faites-nous un tres
bon horoscope. »

Quand I’astrologue revient, ils lui demandent si
]’aspect est benefique. Il repond : « Je vous lirai
]’horoscope tel qu’il est. L’enfant est ne sous des
astres propices, et de bonnes etoiles gouvernent ses
relations sociales. Il sera donc un homme riche,
atteindra a la renommee et sera respecte dans son
entourage. Il aura une bonne sante, et deviendra
un chef parmi les hommes. » Entendant cela, les
parents disent : « Fort bien, fort bien, vous etes
vraiment un homme remarquable. » L’astrologue
considere alors qu’il n’est pas avantageux pour lui
de ne dire que de bonnes choses et it ajoute : « Je
vous ai dit les astres qui lui portent bonheur, mais
it y a aussi des astres malefiques. La position de telle
ou telle etoile indique qu’il mourra dans sa huitieme
annee. » A cette nouvelle, la joie de la famille se

change en une grande detresse. On implore l’astrologue:
« O maitre, que faire ? » L’astrologue repond:
Propitiez les etoiles. » Les parents demandent :
* Par quel moyen ? » — o Distribuez des aumones,
faites chanter des hymnes, presentez des offrandes
aux pretres, et it est tres probable que les malefices
des etoiles seront ecartes. » C’est par prudence que
l’astrologue emploie les mots « tres probable », car
si l’enfant vient a mourir, it dira : « Comment
pouvais-je l’empecher ? Je ne suis pas plus puissant
que Dieu.

J’ai fait tout ce que j’ai pu et vous aussi;
mais telle etait sa destinee, en raison des mefaits de
sa vie passee. » Si au contraire l’enfant vit, l’astrologue
ne manquera pas de se vanter : « Voyez le
pouvoir .de nos incantations! J’ai sauve la vie de
votre enfant. »
Encore un mot au sujet des talismans et des
sortileges. LA aussi, it n’y a que tromperie et
charlatanisme. Si quelqu’un dit : o La personne
A qui je donnerai un bracelet ou un medaillon sera
preservee de tous Is maux par le pouvoir ou le
charme des incantations, de’ mon Dieu, ou de mon
saint », it faut lui poser les questions suivantes :

« Vous est-il possible, grace a vos charmes, d’eviter
la mort, d’echapper aux lois de Dieu, ou aux
consequences de vos actes ? Plus d’un enfant est
mort en depit de vos charmes et de vos incantations;
vos propres enfants meurent. Comment ne les
sauvez-vous pas ? » Le scelerat et sa clique ne
pourront jamais repondre a ces questions et ils
decouvriront bientot que le jeu n’en vaut pas la
chandelle.

Ainsi donc, it convient d’abandonner ces fausses
pratiques et ces superstitions. On s’efforcera, en
revanche, d’assurer le bien-titre des hommes pieux
et sages et de rechercher les conseils de ceux qui,
tout en etant devoues a leur pays, prechent un
altruisme sincere a toute l’humanite.
Tous les alchimistes, les sorciers, les magiciens
et les spirites sont des trompeurs, et leurs pratiques
doivvit etre considerees comme des fraudes. Il faut
prevenir les jeunes contre eux des la plus tendre
enfance, afin qu’ils ne soient pas dupes de ces titres
sans scrupules

Les parents doivent faire comprendre aux enfants
que la purete et la chastete favorisent le developpement
de l’intelligence, de la sante et du bonheur.
Au contraire, les mauvaises frequentations, la
litterature obscene, conduisent a la decheance
physique et mentale.

La mere se chargera de reducation de l’enfant
jusqu’a la cinquieme annee, et le pere jusqu’a la
huitieme. Au debut de la neuvieme armee, les
dtnjas (membres des trois castes superieures) seront
envoy& a l’ecole apres la ceremonie de Pupanayana
(1). Leurs maitres seront des erudits imbus
de piete, et verses dans toutes les sciences. Les
shildras seront aussi envoyes a l’ecole, mais sans
accomplir l’upanayana.

Seuls les enfants eleves avec quelque severite
deviennent courtois, fins et cultives. Patanjali dit
dans son Mandbhashya (VIII, 1,8) : e Lorsque les
parents et les maitres n’hesitent pas a reprendre
leurs enfants ou leurs eleves, ils leur donnent
comme un breuvage d’immortalite, mais lorsqu’ils
sont trop indulgents pour eux, ils leur donnent un
poison qui sera leur ruine ; car l’indulgence corrompt
les enfants, tandis que la fermete developpe leurs
bonnes qualites. » Les parents, comme les maitres,
ne devraient jamais reprimander par mechancete ou
par &pit. Exterieurement, ils inspireront de la
crainte, cependant qu’interieurement ils seront
pleins d’affection et de bienveillance. Maitres et
parents doivent s’appliquer a maintenir les enfants
dans le droit chemin et a les prevenir contre tous
les vices.

Lorsqu’une personne a commis un vol ou un
adultere, ou qu’elle vous a menti, vous ne pouvez
plus jamais la respecter ou lui faire confiance.
Manquer a sa parole degrade la personnalite
humaine plus que tout autre chose. C’est pourquoi
lorsque vous avez fait une promesse, tenez-la.

Un enfant ne devrait jamais se mettre en colere ni
parler grossierement. Il devrait au contraire cultiver
un langage doux et modere et eviter les paroles
inutiles. Il respectera ses superieurs et, a leur arrivee,
leur offrira la meilleure place apres les avoir
salues. Dans une assemblee, chacun doit occuper le
siege qui convient a son rang et a sa situation, afin
de ne jamais souffrir l’indignite de ceder sa place
a un autre. L’enfant ne doit avoir de mauvaises
pensees envers personne. Il mettra sa richesse, son

cceur et son ame, au service de son pere, de sa mere
et de son maitre.
La Taittiriya Upanishad (VII, 11) dit : « Les
parents et les maitres devraient toujours donner de
bons conseils a leurs enfants et a leurs eleves; ils
devraient les encourager a imiter leurs vertus, tout
en evitant leurs vices. » Les enfants doivent toujours
dire la verite et ils ne doivent pas se fier a un
hypocrite ou a un homme de nature basse. Its
doivent obeir a leurs parents et a leurs maitres dans
toutes les choses bonnes et honnetes.

Les maitres
doivent aider leurs eleves a revoir tout ce que leurs
parents leur ont appris : les mantras vediques, les
aphorismes, les morceaux de poesie ou de prose qui
inspirent l’amour de la justice, de la connaissance
et de la vertu. Its devront adorer Dieu, apres avoir
compris sa nature et ses attributs. Leur habillement
et leur nourriture devront aussi contribuer
favoriser la sante, la vigueur, la bonne conduite et
l’intelligence. Les enfants ne devraient jamais
manger jusqu’a satiete; on ne leur donnera ni
viande, ni alcool.

Manu (VI, 46), parlant de la conduite a tenir
dans la vie, dit « Regardez ou vous marchez,
filtrez l’eau que vous buvez, parlez selon la verite,
reflechissez avant d’agir. » Un autre poete dit :
« Les parents qui negligent l’education de leur
enfant sont ses vrais ennemis; en compagnie, it est
comme une oie parmi les cygnes. » (Chdnakya
Niti II, 11.)

Le devoir supreme, la plus haute vertu et la gloire
des parents est de consacrer toute leur fortune, leur
corps et leur esprit a donner aux enfants la meilleure
education possible.