De la Connaissance et de
l’Ignorance
De la Liberation et de
l’Esclavage
< Celui qui prend conscience en meme temps de
la nature de vidya — connaissance vraie — et de
avidy — vie morale et contemplation divine —
celui-1 a vainc la mort par la grace de l’avidya et,
par la grace de vidya gagne l’immortalite. * (Yajur
Veda, 40, 14.)
Les caracteristiques fondamentales de l’avidya
sont :
1) « L’idee fausse que le monde transitoire et les
choses materielles (telles que les corps) sont eternels,
ou, en d’autres termes, l’idee que le monde des
effets, que nous voyons et sentons, a toujours existe
et continuera toujours a exister et que, grace aux
pouvoirs du yoga les corps physiques des saints
deviennent immortels, cette idee est la premiere
sorte d’ignorance (avidy a). » (Yoga Shastra, Sadhanapada.)
2) « Considerer comme pures les choses impures
telles que la concupiscence et le mensonge est la
seconde sorte d’ignorance (avidya).
3) « Croire qu’un laisser-aller sexuel excessif est
une source de bonheur, alors qu’au contraire c’en
est une de souffrance et de peine est la troisieme
sorte d’ignorance (avidya). *
4) s Croire que les choses materielles et sans vie
ont une ame est la quatrierne sorte d’ignorance
(avidya). *
Cette connaissance fausse est l’avidyi ou ignorance.
Le contraire, c’est-i-dire l’attitude qui
consiste considerer le temporaire comme temporaire,
et l’eternel comme tel, le pur comme pur
et l’impur comme tel, la douleur comme douleur et
la joie comme joie, ce qui est sans ame comme n’en
ayant pas et ce qui en possede une comme en
ayant une, cela est ce qu’on appelle yid)/ ou
connaissance.
On appelle connaissance, ce par quoi on connait
la vraie nature des choses. Alors que l’ignorance
est le fait d’ignorer la vraie nature des choses et
de s’en former une idee fausse.
On appelle avid)/ une vie vertueuse et la contemplation
de Dieu parce que ce ne sont que des
actes materiels et des processus mentaux : ils
ne constituent pas la connaissance ; c’est pour cela
que dans le mantra ci-dessus it est dit que sans
une vie pure et la contemplation de Dieu it
est impossible de vaincre la mort. Les actes vertueux,
l’adoration du seul Dieu veritable et la
connaissance exacte, menent a la delivrance, alors
qu’une vie immorale, l’adoration d’i doles (ou
d’autres objets au lieu de Dieu) ainsi qu’une connaissance
fausse sont les causes de la servitude de
ame. I1 n’est pas un homme qui puisse pendant
un seul instant se liberer des actions, des pensees et
de la connaissance. Les seuls moyens de salut sont
les actes honnetes tels que la veracite et l’exclusion
des actes mauvais tels que le mensonge.
Q. : Qui peut ne pas obtenir la delivrance ?
R. : Celui qui est en esclavage.
Q. : Qui est en esclavage ?
R. : Celui qui est plonge dans le ‘,eche et l’ignorance.
Q. : La delivrance et la servitude sont-elles
naturelles s 1’ ame ou sont-elles acquises ?
R. : Elles sont acquises parce que si elks ne
l’etaient pas, elles seraient permanentes.
Q. :# Lame etant Brahman (Dieu) n’est vraiment
ni voilee par l’ignorance, ni creee. Elle n’est pas
asservie et n’a pas a chercher de moyen de delivrance;
elle ne desire pas non plus la delivrance et
elk n’est jamais delivree. Comment peut-elle etre
delivree sans avoir jamais ete prisonniere ? *
(Gaudap adiya Karika, II, 32.) Que repondez-vous
a ceci ?
R. : Cette affirmation des neo-vedintistes est
fausse parce que ame &ant limit& par nature et
voilee, prend corps, ce qui est generalement appele
sa naissance ; elle est prisonniere parce qu’elle
souffre des consequences de ses peches et cherche
des moyens de s’echapper du peche, de la souffrance
et de l’esclavage qui en resulte, et elle veut se liberer
de la douleur. Etant delivree, elle # voit » Dieu dans
sa felicite parfaite et atteint par-la meme la beatitude
finale (c’est-i-dire le salut).
Q.: Tout ceci ne concern que les attributs du
corps et de l’esprit (ou organe interieur de la pensee)
et pas ceux de l’ ame. L’ame est liberee du bien et
du mal. Elk n’est que le temoin de ce que font le
corps et l’esprit. C’est le corps qui sent le froid et le
chaud. L’ame est intacte et pure.
R. : Le corps et l’esprit sont materiels, donc
morts et inertes. Its ne peuvent sentir ni le chaud
ni le froid, ni par consequent la joie et la douleur.
Ce sont les titres conscients (ceux qui possedent une
ame) comme les hommes, qui sentent le contact du
chaud et du froid sur leurs corps. Wine les prinas
— les forces nerveuses — sont sans conscience. Its
ne sentedt ni la faim ni la soif. C’est fame qui, contenant
les forces nerveuses, connait la faim et la soif.
De meme, le manas — ou organe interne de la
pensee — est depourvu de conscience. Il n’eprouve
ni peine ni joie, mais c’est par le manas que fame
connait le plaisir et la souffrance, la joie et le chagrin.
C’est par les oreilles, que fame entend et par consequent
sent la joie ou le chagrin. C’est fame qui
pense, sait, se souvient et sent son individualite
travers les organs de la pensee, du discernement,
par la memoire et la personnalite. C’est donc fame
qui jouit ou qui souffre. De meme que c’est l’homme
qui emploie son epee pour tuer le coupable, et pas
l’epee qui agit d’elle-meme, c’est l’ame qui, se
servant d’instruments tels que le corps, les sens, les
organes de la pensee et les forces nerveuses, agit —
bien ou mal — et par consequent elle est seule
recolter le fruit de ses actions. L’ame n’est pas le
temoin des actes. Elle est l’acteur et elle recolte le
fruit de ses actions. L’unique, l’incomparable Esprit
supreme seul est le temoin. L’ame n’etant pas Dieu
n’est par consequent pas le temoin, mais l’acteur.
Q. : L’ame est l’image de Dieu, et de meme
qu’un miroir casse ne reflete plus l’objet qui lui est
montre, ce qui ne veut pas dire que cet objet meme
soit brise, de meme, Fame en tant qu’image de Dieu
ne dure qu’aussi longtemps que dure l’esprit
(antahkarana) — le reflecteur. Une fois l’esprit disparu,
fame delivree est liberee. N’en est-il pas
ainsi ?
R. : C’est une idee enfantine parce qu’avant
d’avoir une image, it faut avoir deux objets ayant
une forme — Fun comme objet a refleter, et
l’autre comme reflecteur. Prenons un exemple :
le visage et le miroir sont tous les deux indispensables
a la formation de l’image du visage. Tous les
deux ont une forme et sont visibles.
Its sont distincts l’un de l’autre. S’il n’en etait
pas ainsi, it ne pourrait pas y avoir d’image. Dieu
etant partout et sans forme, it lui est impossible
d’avoir une image.
Q. : Mais ne voit-on pas l’ether sans forme qui
penetre tout, reflete dans les eaux claires et profon
des ? De meme, Dieu peut se refleter dans un esprit
pur. C’est pour cela qu’on appelle Paine «
bhasa » — l’image de Dieu.
R. : Ceci encore n’est qu’un babillage d’enfant;
l’ether &ant invisible, it n’est personne qui puisse le
voir. Comment pourrions-nous voir l’ether puisque
nos yeux ne peuvent voir l’air qui est infiniment
plus grossier.
Q. : Voulez-vous dire que ce bleu et cette poussiere
que l’on voit dans le ciel ne sont pas l’ether?
R. Non.
Q. : Qu’est-ce alors?
R. : Ce sont de fines poussieres de terre, d’eau et
d’agni (dans l’atmosphere). La couleur bleue est
surtout due aux particules d’eau dans l’atmosphere
qui tombent sous forme de pluie alors que l’apparence
poussiereuse est due aux grains de poussiere
qui voletent dans l’air et viennent de la terre. Ce
sont ces choses et non pas Tether qui sont refletees
dans l’eau comme dans un miroir.
Q. : De meme que le Poisson nage dans la mer,
que l’oiseau vole dans le ciel, les antahkaranas se
meuvent dans Brahman, l’Etre vraiment conscient
qui est partout, comme l’ether. Eux-memes sont sans
conscience, mais la presence de Dieu en eux les
rend conscients de la meme facon qu’un morceau de
fer s’echauffe au contact du feu. Les antahkaranas
se deplacent comme les poissons et les oiseaux et
Brahman reste immobile comme l’espace. I1 n’y a
donc aucun mal a croire que line est Brahman
(Dieu).
R. : Ce nouvel exemple n’est pas juste non plus,
parce que si fame etait le reflet dans l’antahkarana
de Brahman, qui penetre tout, pourquoi serait-elle
denuee d’omniscience ? Si vous dites que c’est
parce que des limites lui sont imposees, Brahman
est-il alors sujet a l’empechement, a des limitations, a
la division, ou est-il indivisible ? Si vous le dites
indivisible, aucun obstacle ne peut se trouver sur
son chemin. Pourquoi alors ame ne serait-elle pas
omnisciente ?
D’autre part, si vous dites que f ame,
qui n’est autre que Brahman, oublie sa nature divine
et semble (sans toutefois le faire) se mouvoir avec
l’antahkarana, alors la partie de Brahman atteinte
par l’antahkarana devient sujette au doute, au
defaut de confiance et de connaissance veritable,
pendant que la partie demeuree intacte devient
omnisciente, pure et bienheureuse. Cet antahkarana
va donc troubler le Brahman universel tout entier et
(‘ignorance et la delivrance deviendront un accident
passager. De plus, si vous disiez vrai, personne ne
pourrait se souvenir de quoi que ce soit du
passé, simplement parce que ce Brahman qui l’aurait
vecu aurait cesse d’exister, (l’antahkarana &ant
en mouvement perpetuel l’entrainant ici et la).
D’o.6 it decoule que Dieu (Brahman) ne peut
jamais devenir l’ame pas plus que fame ne peut
devenir Dieu. Its ne peuvent jamais etre un. Its
seront toujours distincts l’un de l’autre.
Q.: Tout ceci est adhydropa, substitution erronee
d’une chose a une autre. Le fait de parler du monde
et de Brahman comme de deux choses differentes est
uniquement un moyen d’aider celui qui cherche la
verite a comprendre plus facilement la question.
En realite, tout est Brahman.
R. : Qui est-ce qui fait cette substitution?
Q. : C’est l’ame.
R. : Qu’est-ce que l’ame ?
Q. : C’est l’entite consciente que limite l’antahkarana.
R. : Est-ce le meme Brahman ou quelque. chose
de different ?
Q. : C’est le meme Brahman.
R. : Etait-ce done Brahman lui-meme alors qui
forma cette fausse conception du monde ?
Q. : Meme si c’etait lui, cela ne lui ferait aucun
tort.
R. : Pourquoi alors, celui qui se fait une idee
fausse des choses n’a-t-il pas tort ?
Q. : Parce que tout ce qui est concu par l’esprit
ou pane par la bouche est faux.
R. : Si Brahman est l’auteur d’idees et de discours
faux, n’est-il pas alors lui-meme menteur et faillible ?
Q. : Tant pis; qu’est-ce que cela peut faire? Mon
but est uniquement de prouver ma theorie.
R. : 0 vedantistes menteurs! Vous faites de
Brahman dont les desirs et les idees mernes sont la
verite, l’auteur du mensonge ! N’est-ce pas la la
cause de votre degradation ? Dans quelle Upanishad,
dans quel aphorisme ou dans quel Veda est-il &tit
que Brahman est un menteur en pensee ou en paroles ?
Votre attitude ressemble a celle du voleur du
proverbe, l’on voit le voleur juger le juge. Il est
juste que le juge punisse le voleur, mais it est
mauvais que le voleur veuille punir le juge. De
meme, vous qui mentez en pensee et en paroles,
vous essayez en vain de faire retomber vos peches
sur Dieu.
Si une partie de Brahman mentait en paroles, en
action ou en pensee, Brahman entier mentirait parce
qu’il est un. Sa nature, son savoir et ses actions sont
tous vrais. Le mensonge est votre faiblesse, pas
la sienne. Ce que vous appelez savoir est en realite
ignorance, et ce que vous appelez adhyaropa (1) est
faux aussi parce que vous vous appelez Brahman
quand vous ne l’etes pas, et vous considerez Fame
comme Brahman quand elle ne Pest pas.
Servitude et delivrance
Question : Qu’est-ce que la liberation?
Reponse : C’est l’etat des Ames liberties.
Q. : Liberties de quoi ?
R. : De ce dont elks veulent etre liberties.
Q. : De quoi veulent-elles ‘etre liberties ?
R. : De ce dont elles ont besoin d’être liberties.
Q. : De quoi ont-elles besoin d’etre liberties ?
R. : De la souffrance (ou de la misere).
Q. : Etant delivrees de la souffrance, qu’atteignent-
elles et of vivent-elles ?
R. : Elles atteignent le bonheur et vivent en
Dieu.
Q. : Quelles sont les causes de la servitude, et
celles de la liberation ?
R. : L’obeissance a la volonte de Dieu, la
renonciation au mal, a l’ignorance, aux mauvaises
compagnies, aux influences malignes et aux mauvaises
habitudes, la pratique de la verite, le travail
altruiste, la justice, la droiture, le developpement de
la connaissance, l’adoration de Dieu — louange,
priere et communion — en d’autres mots, la pratique
du yoga, l’etude et l’enseignement, le developpement
de la connaissance par des efforts consciencieux,
l’usage des meilleurs moyens pour
atteindre a son but, une conduite dictee par une
justice impartiale, c’est-a-dire par la droiture, etc…,
voila les moyens d’arriver a la liberation; les moyens
contraires, tels que la desobeissance a la volonte
divine, voila ce qui mene a la servitude.
Q. : L’ame liberee garde-t-elle son individualite
ou est-elle absorbee en Dieu ?
R. : Elle garde son individualite.
Q. : Ou vit-elle ?
R. : En Dieu.
Q. : Ou est Dieu ? Et une ame liberee restet-
elle fixee a un endroit defini, ou va-t-elle oil bon
lui semble ?
R. : Dieu est partout et impregne tout de sa
presence. Une ame liberee pourvue d’une connaissance
parfaite et de la beatitude est libre d’aller
partout en lui.Q. : Une ame liberee possede-t-elle un corps
physique ?
R. : Non.
Q. : Comment alors peut-elle jouir de la beatitude
de la liberation ?
R. : Elle garde son pouvoir interieur, son activite
et ses attributs, mais sans aucun corps physique.
Ceci est dit dans le Shatapatha Brahmana.
« Une ame liberee n’a ni corps ni organes physiques,
mais elle conserve ses purs attributs et son
pouvoir. Grace a ses pouvoirs interieurs, une ame
liberee peut entendre quand elle le veut, toucher
quand elle le veut; elle peut voir, gaiter et sentir,
si elle le veut. Elle peut a son gre penser, juger, se
souvenir, avoir conscience de son individualite.
Elle peut a volonte posseder ce soi-disant corps —
forme des principes de sensation, de pensee, etc.
» De meme que lorsque l’ame est dans un corps,
elle depend de ce corps pour executer sa volonte,
elle jouit de la liberation par son pouvoir interieur.*
(Shatapatha Brahmana, Khanda 14.)
Q. : Une ame liberee possede-t-elle un corps
physique ?
R. : Non.
Q. : Comment alors peut-elle jouir de la beatitude
de la liberation ?
R. : Elle garde son pouvoir interieur, son activite
et ses attributs, mais sans aucun corps physique.
Ceci est dit dans le Shatapatha Brahmana.
« Une ame liberee n’a ni corps ni organes physiques,
mais elle conserve ses purs attributs et son
pouvoir. Grace a ses pouvoirs interieurs, une ame
liberee peut entendre quand elle le veut, toucher
quand elle le veut; elle peut voir, gaiter et sentir,
si elle le veut. Elle peut a son gre penser, juger, se
souvenir, avoir conscience de son individualite.
Elle peut a volonte posseder ce soi-disant corps —
forme des principes de sensation, de pensee, etc.
» De meme que lorsque l’ame est dans un corps,
elle depend de ce corps pour executer sa volonte,
elle jouit de la liberation par son pouvoir interieur.*
(Shatapatha Brahmana, Khanda 14.)
Q. : Quelle est la nature de ce pouvoir et
revet-il des aspects divers ?
R. : En realite, ce pouvoir est unique, mais on
peut dire qu’il comporte les vingt-quatre modalites
suivantes :
(1) la force; (2) l’energie; (3) (‘attraction; (4)
la suggestion; (5) le mouvement; (6) la menace;
(7) le pouvoir analytique; (8) l’adresse; (9) le courage;
(10) la memoire; (11) le discernement; (12)
le &sir; (13) l’amour; (14) la haine; (15) l’association;
(16) la dissociation; (17) le pouvoir qui
separe; (18) le pouvoir qui unit; (19) le pouvoir de
la vue; (20) de l’ouie; (21) du toucher; (22) du
gout; (23) de l’odorat; (24) la connaissance.
A [‘aide de ces pouvoirs manes, l’ame atteint
la liberation et y jouit du bonheur. Si l’ame, une
fois emancipee, devait etre absorbee en Brahman,
qui jouirait alors de la liberation?
Ceux qui considerent la dissolution de l’ame
comme la liberation sont evidemment plonges dans
l’ignorance, car la liberation de l’ame consiste en
[‘absence de tout peche et de toute souffrance et
en la jouissance de la beatitude parfaite au sein du
Dieu tout-puissant, omnipotent, infini et parfait.
Ecoutez ce que dit a ce sujet le Vedanta Shastra :
o D’apres &Mari, Fame aussi bien que l’esprit
— le principe de la pens& — est presente dans la
liberation. » (Vedanta Shastra, IV, 10, 11.) Autrement
dit, Badari ou Pardshara, le pere de Vyasa,
ne croit pas en [‘absorption de l’ame en Dieu, ni
en sa dissolution, ni en celle de l’esprit dans l’etat
de liberation. De merne, u le grand maitre jaimini
affirme qu’une ame fiber& possede le pouvoir de
la pensee avec le corps subtil ou spirituel — les
principes de sensation et les forces nerveuses.
L’ame et le principe de la pensee, etc…, ne sont
pas absents pendant la liberation H. (Vedanta Shastra,
IV, 4, 11.) Et encore : « Le sage Vyasa croit
en la presence et en [‘absence de ces pouvoirs dans
l’etat de liberation, ou, autrement dit, it soutient
que ame existe et conserve tous ses pouvoirs purs
tandis que l’impiete, le peche, la souffrance, l’ignorance,
etc…, sont absents. » (id., IV, 4, 12.)
• L’etat de rime dans lequel elk possede un
manas pur, les cinq principes de sensation,
et dani lequel les deliberations du principe du
discernement sont vrais et constants, est ce que l’on
appelle Petat supreme, ou liberation. » (Katha Upanishad,
II, 6, 10.)
* Cet Esprit supreme, qui est &gage du peche, de
la decrepitude et de la mort, de la douleur et de la
souffrance, de la faim et de la soif, dont les pensees
et les desirs sont l’essence meme de la verite, cet
Esprit doit etre recherché. C’est le contact avec
I’Esprit divin qui permet a l’ame fiber& d’atteindre
tons les etats qu’elle souhaite et de realiser ses
&sirs. C’est par la connaissance de 1’Ame supreme
qu’elle connait la voie du salut et les moyens de
purification de soi-meme. » (Chhandogya Upanishad,
VIII, 7, 1.)
Alors l’ame liberee voit tout avec les purs regards
de l’esprit et d’un manas pur, et par ce moyen,
jouit de la beatitude supreme. L’ &me qui demeure
dans 1’Etre supreme, adore par tons les hommes de
savoir imbus de piete qui cherchent le salut (par
le yoga), cette ame jouit de la beatitude de la liberation.
En verite, elle obtient tout ce qu’elle desire
et n’importe lequel des mondes et des etats qu’elle
veut atteindre. L’ame liberee quitte ses chaines
mortelles a l’aide de son corps spirituel et erre a
travers l’espace au sein de Dieu, qui penetre tout.
Tant que l’ame est renfermee en un corps, elk ne
pent jamais etre debarrassee des douleurs et des
souffrances du monde. Prajapati l’a dit a Indra :
Ecoute, o toi qui es riche et qu’on respecte !
Le corps physique est mortel. Il est entre les machoires
de la mort comme une chevre entre celles
d’un lion. La demeure de l’ame immortelle et sans
forme est par consequent constamment affligee de
douleur, ou absorbee par la joie, parce qu’une ame
incarnee ne peut jamais etre degagee des joies et des
peines de ce monde. D’autre part, l’ame liberee et
degagee du corps, l’ame qui vit en Dieu, ne peut
etre affectee ni par les joies, ni par les peines.
Elle jouit eternellement de la beatitude parfaite.
Q. : L’ ame une fois fiber& est-elle jamais
sujette de nouveau a la naissance et a la mort ? Il
est dit dans la Chhandogya Upanishad : # L’ame
une fois liberee ne revient jamais sur cette terre. *
(VIII, 15.)
De plus it est aussi ecrit dans le Vedanta Shastra :
# Le Veda declare qu’il n’y a pas de retour, pas de
retour declare le Veda. * (IV, 4, 33.)
La Gita aussi dit : « Cet etat supreme d’ou l’ame
ne retourne jamais (dans le monde) est le mien. *
Il est clair, d’apres ces citations, que seul est
appele liberation l’etat d’ou l’ame ne revient
jamais sur terre. Quel est votre avis sur ce point ?
R.: Il est faux de dire que ame liberee ne revient
pas sur terre car le Veda contredit cette affirmation.
Quel nom devons-nous considerer comme sacre ?
Qui est cet Etre resplendissant, tout-glorieux,
immortel parmi les choses mortelles qui, nous
ayant fait jouir de la beatitude et de la liberation,
nous redonne des corps et par-la, la joie de voir nos
parents ? C’est 1’Etre supreme, eternel, immortel,
omnipresent, dont le nom doit nous etre sacre.
C’est lui qui nous aide a jouir de la liberation, et
qui ensuite nous ramene dans ce monde, nous revet
de corps et par-la nous donne la joie de voir nos
parents. C’est le mane esprit divin qui regle la
periode de liberation et gouverne tout. » (Rig Veda,
I, 24, 1, 2.)
Q. : Si l’ame revient sur cette terre apres avoir
connu la liberation, combien de temps dure cette
periode de liberation ?
R. : L’ame liberee jouit de l’emancipation au
sein du Dieu omnipresent jusqu’a la fin de la
grande dissolution (mandkalpa); elle quitte ensuite
cette beatitude pour naitre a nouveau dans le
monde. Le temps de la grande dissolution est
calcule de la maniere suivante :
Le temps est d’abord divise ep quatre yugas ou
cycles :
Satyayuga 1.728,000 annees.
Tretayuga 1.296.000 —
Dvaparayuga 864.000 —
Kallyuga 432.000 —
Total 4.320.000 annees.
Ces 4.320.000 annees font un chaturyuga. 2000
chaturyugas (8.640.000.000 annees) = un ahoratra
(ensemble du jour et de la nuit).
30 ahoratras = un masa (mois).
12 masas = un varsha (annee).
100 varshas = un pardntakdla (grande dissolution).
Ce qui fait que la duree de la liberation est de :
100 x 12 x 30 x 2000 x 4.320.000 = 311.040.000.000
annees.
Q.: Tous les autres ecrivains enseignent, et le
monde entier croit, que la liberation est l’etat dont
lame ne revient pas sur cette terre et ot elle n’est
plus sujette a la naissance et A la mort.
R.: Ceci est forcement inexact. D’abord, puisque
les pouvoirs de l’ arne, ses instruments (tels que le
corps et ses organs) et ses moyens sont limites,
comment la liberation pourrait-elle s’etendre sur une
periode infinie? Deuxiernement, Arne n’a pas des
capacites infinies, des moyens infinis et une activite
qui lui permettent de jouir d’une beatitude infinie,
comment alors pourrait-elle jouir d’un bonheur
kernel ? Comment la fin peut-elle etre eternelle
quand les moyens ne le sont pas ? Troisiemement,
si aucune Arne ne revenait de l’etat de liberation,
le monde serait bientot entierement depourvu
d’ Ames.
Q. : Non, it ne peut pas y avoir une disette
d’ames, parce que celles qui se liberent sent remplacees
par de nouvelles Ames creees par Dieu.
R. : Premierement si c’etait le cas, l’Ame deviendrait
mortelle, car une chose qui a ete creee doit
mourir. Donc, selon votre point de vue, meme en
obtenant la liberation, lame devrait perir, et la
liberation par-IA, deviendrait non-eternelle. Deuxiemement,
dans le lieu oil vivent les Ames liberties —
autrement dit, au ciel — it y aurait une bousculade,
tin surpeuplement, un embouteillage considerables ;
la population augmenterait sans cesse, pour la bonne
raison qu’il y aurait une immigration importante,
mais aucune emigration. Troisiemement, it est
impossible de jouir d’un plaisir sans la perception de
la souffrance. Par exemple, vous ne reconnaitriez pas
l’amer du sucre, ni le sucre de l’amer, si, pendant
toute votre vie, vous n’aviez connu que l’un des
deux, car ce n’est qu’en comparant la saveur des
differents mets que l’on peut s’en faire une idee. Si
un homme ne devait jamais manger que des choses
sucrees, it ne s’en regalerait pas autant que s’il
pouvait gaiter a toutes les sortes de nourriture.
Quatriemement, si Dieu donnait aux Ames un
bonheur illimite, le fruit de leurs actions etant
limite, sa justice serait detniite. Un sage ne fait
pas porter a son domestique un poids superieur
celui qu’il peut porter.
Si un homme ne peut porter que quatre kilos et
que son maitre lui en fasse porter 400 sur la tete,
it est evidemment passible de la loi. De meme, it
ne convient pas que Dieu charge l’ Arne d’un bonheur
illimite lorsqu’elle ne possede qu’un pouvoir
et un savoir limites. Cinquiemement, si vous dites
que Dieu cree des Ames nouvelles, it arrivera un
moment oii it se trouvera a court de la matiere avec
laquelle it les cree ; une banque, si riche soit-elle,
sera tot ou tard en faillite si l’on y fait toujours appel
sans jamais rien y verser. De la, it decoule que seule
ma theorie — a savoir celle de la liberation suivie
d’un retour sur la terre — est la bonne. Sixiemement,
it n’est pas un etre qui ne prefere la prison
pendant un court laps de temps a l’emprisonnement
a perpetuite (ou a la pendaison). S’il n’y avait pas
de retour de la liberation, elle ne differerait de la
prison a perpetuite que sur un point, c’est qu’elle ne
comporte pas de travail obligatoire. Quant a considerer
la liberation comme l’absorption en Dieu, cela
ressemble fort a la mort par immersion.
Q. : L’ ame peut jouir de la beatitude eternelle
et ‘etre liberee pour toujours, de meme que Dieu
jouit d’une beatitude parfaite et eternelle et est
eternellement libere des joies, des chagrins, des
plaisirs et des peines de ce monde.
R. : Dieu par nature est infini. Son essence, ses
pouvoirs, ses qualites sont tous infinis. Il ne peut,
par consequent, jamais etre sujet a l’ignorance, a la
souffrance, a la servitude, etc… L’Ame, meme
liberee, demeure limitee en savoir, quoique pure par
nature. Ses qualites, ses possibilites et son activite
demeurent toutes limitees. Elle ne peut done jamais
etre semblable a Dieu.
Q. : Dans ce cas, la liberation ne vaut guere
mieux que la naissance et la mort. Il est inutile, par
consequent, d’essayer de l’obtenir.
R.: On ne peut la comparer a la naissance et la
mort. La beatitude de la liberation s’etend trente-six
mille fois sur la periode des creations et des dissolutions.
Le bonheur ininterrompu, avec l’absence
complete de peine, peut-il jamais s’etendre sur une
periode aussi longue ? Vous pouvez manger et boire
aujourd’hui mais vous savez que vous aurez de
nouveau faim et soif avant la fin de la journee.
Pourquoi alors essayez-vous d’apaiser votre faim,
d’assouvir votre soif ? Si l’on considere comme une
necessite d’essayer d’apaiser sa faim et d’assouvir
sa soif, d’acquerir des biens terrestres, une gloire
et un pouvoir temporels, d’avoir femme, enfants,
etc… pourquoi n’en serait-il pas de merne pour la
liberation ? Quoique la mort soit une chose assuree,
cependant nous travaillons pour vivre. De meme,
bien que le retour apres la liberation soit certain, it
est extremement desirable que nous fassions de notre
mieux pour l’obtenir.
Moyens d’obtenir la liberation
Q. : Quels sont les moyens d’obtenir la liberation?
R. : J’en ai dej a nomme plusieurs, mais les
moyens speciaux sont les suivants :
I. — 1) Que celui qui desire la liberation soit
libere maintenant et dans cette vie. En d’autres
mots, qu’il renonce toutes les actions viles ou
mauvaises,telles que le mensonge, qui conduisent au
chagrin et a la douleur. Qu’il vive, au contraire, une
vie vertueuse et fasse de bonnes actions (comme de
dire la verite) qui conduisent au bonheur. S’il veut
echapper au chagrin et jouir du bonheur, qu’il
abandonne le peche et pratique l’honnetete ; car le
peche est la cause de la souffrance et de la peine,
et l’honnetete est la mere du bonheur.
2) Qu’il frequente constamment les hommes sages
et pieux, et qu’il apprenne ainsi a connaitre la
verite du mensonge, la vertu du vice, la bonne
conduite de la mauvaise.
3) Qu’il sache que le corps comprend cinq
systemes (koshas) :
a) le systeme physique, qui comprend tous les
tissus et fluides du corps depuis les os jusqu’ a la
peau. C’est le corps physique ou systeme grossier.
b) le systeme vital, qui comprend cinq grandes
forces vitales :
aa) le prana ou force d’expiration, .qui aide I
rejeter l’air.
bb)ap ‘dna ou force d’inspiration, qui aide
inspirer l’air dans les poumons.
cc) le samdna ou force du sympathique solaire,
situe au centre de l’abdomen et qui sert I
porter le rasa, c’est-i-dire le chyle—l’essence
de la nourriture — et le sang dans les differentes
parties du corps.
dd) l’uddna ou force glosso-pharyngienne qui
sert I avaler la nourriture et I l’entrainer
dans l’estomac, etc…, et donne la force et
Penergie.
ee) le vyiina ou force motrice-musculaire qui
permet I Fame de se mouvoir ou de faire
n’importe quoi — c’est la cause du mouvement.
c) le systeme moteur-mental, qui comprend le
princiRe de la volonte, celui de l’individualite, et les
cinq principes d’action, I savoir : l’articulation,
l’etreinte, le mouvement, la reproduction et l’excretion.
d) le systeme sensori-mental, qui comprend le
principe du jugement, celui de la memoire, et les
cinq principes de sensation, a savoir la vue, l’ouie,
le gout, l’odorat et le toucher. C’est grace aux principes
ci-dessus que f ame pense, etc…
e) le systeme spirituel-emotionnel, qui comprend
l’amour, la gaite, le bonheur — grand ou petit.
La matiere elementaire appelee prakriti est le moyen
par lequel l’ame cultive ces sentiments.
Les cinq systemes mentionnes sont les moyens
par lesquels l’ame acquiert les differentes connaissances,
poursuit les differents processus mentaux
et accomplit toutes ses actions.
4) Qu’il comprenne qu’il y a trois etats de l’ame :
a : l’etat de veille.
b : l’etat de reve.
c : l’etat de sommeil profond ou sushupti dans
lequel it n’y a aucune conscience du monde exterieur
et aucun reve
5) Qu’il sache qu’il y a quatre sortes de corps :
a — le corps physique grossier qu’on peut voir et
sentir.
b — le corps subtil ou corps astral qui comprend
dix-sept principes : cinq principes vitaux, cinq
principes de sensation, cinq principes physiques
tels que prithivi, spas, agni, etc… sous une forme
subtile, et les principes de volonte et de discernment.
Il accompagne aussi f ame a travers toutes
ses naissances et toutes ses morts. Il est de deux
qualites : aa) la qualite materielle qui provient des
fines particules de la matiere astrale; bb) la qualite
spirituelle ou naturelle qui comp-rend les pouvoirs
naturels et les attribute de Fame.
c — le corps causal (karana sharira) compose
de matiere elementaire — prakriti. Il est
omnipenetrant, et par consequent commun a toutes
les rimes. C’est par lui que Fame entre dans cet etat
qu’on appelle sommeil profond et sans reves.
d — le corps turiya est celui par lequel Paine
est absorbee par la contemplation de l’Esprit
supreme et bienheureux dans l’etat de samadhi
(condition superieure), developpe par la pratique
du yoga et de la concentration parfaite. La force née
de ce corps pur est tres utile a l’ame pour sa
liberation.
L’ame elle-meme est distincte de tous les
systemes, etats, et corps mentionnes ci-dessus. Que
Paine soit distincte des etats, c’est evident par le fait
qu’a la mort d’un homme, it est dit que son Anne
quitte son corps. L’ame seule est l’initiateur, le
possesseur, le voyant, l’auteur, le moissonneur du
fruit de ses actions. Sachez que celui qui le nie est
ignorant et denue de raison; parce que tous ces
corps sont en eux-memes inertes et morts. Its ne
peuvent jamais sentir la peine ni la joie, ils ne peuvent
pas non plus faire le bien et le mal; mais it
est vrai que Fame qui leur est associee fait de
bonnes et de mauvaises actions et en recolte le fruit.
Quand les sens entrent en contact avec les objets
exterieurs, que le manas — le principe d’attention
— agit, lie aux sens, et que Fame est d’accord avec
le manas, cela incite les forces nerveuses a se mettre
en action — bonne ou mauvaise — on dit alors
que fame est dirigee vers l’exterieur; a ce moment
meme, des sentiments tels que le bonheur, la gate,
le courage, jaillissent en l’esprit si l’acte est bon;
alors qu’on voit surgir la peur, la honte et le manque
de confiance lorsque l’acte est mauvais. C’est la
voix de PEsprit divin omniscient — le controleur
interieur. En verite, seul celui qui ecoute cette voix
et agit en consequence, jouit de la beatitude de la
liberation. Celui qui va contre l’injonction de cette
voix souffre de la misere et du chagrin — c’est le
resultat de la servitude.
Voila donc le premier moyen de salut.
II. — Le suivant est vairdgya. C’est la pratique
de la verite, le renoncement au mensonge apres
avoir soigneusement discerne le bien du mal. En
d’autres mots, c’est le fait d’acquerir la connaissance
de la nature, des proprietes et des caracteristiques
de toutes les chosen de la terre jusqu’au ciel —
litteralement Dieu — c’est le fait d’obeir aux cornmandements
de Dieu et de l’adorer, de ne jamais
aller contre sa volonte.
HI. — Shatka Sampatti — l’accomplissement de
six sortes d’actions : –
a) Shama : eloigner Paine et le manas du peche
et de la tentation, et pratiquer toujours la justice.
b) Dama : preserver le corps et les sens des
mauvaises actions telles que Padultere; c’est le fait
de pratiquer la maitrise de soi et de vivre chastement.
c) Uparati : ne jamais s’associer aux mechants.
d) Titikshd : devenir sourd aux lbuanges et aux
reproches du monde, indifferent au profit et a la
perte, a la joie et a la peine; c’est le fait de se jeter
corps et ame dans la poursuite de la liberation.
e) Shraddhd : la foi dans les Vedas, les Shastras
et les enseignements des sages, des grands savants,
et des hommes pieux professant un ideal eleve.
f) Samddhdna : la concentration de l’esprit.
IV. — Mumukshutva : la devotion parfaite et
l’amour inalterable de la liberation et des moyens
d’y parvenir, de meme que l’homme affame ne
desire rien de plus que la nourriture.
Voici done les quatre sddhanas ou moyens d’arriver
a la liberation.
Viennent ensuite les anubandhas ou moyens
secondaires :
aa) Adhikari : le merite qu’on a a devenir le
receptacle de l’esprit divin.
bb) Sambandha : la connaissance complete du
Veda, des Shastras, et des moyens de liberation —
c’est un autre mot pour exprimer que l’on voit Dieu.
cc) Vishaya : le fait d’avoir pour unique objet
dans la vie la realisation de Dieu.
dd) Prayojana l’exemption de toutes les
miseres et de toutes les peines, et la jouissance
parfaite de la grande beatitude de la liberation.
Apres les anubandhas ou moyens secondaires,
vient Shravana Chatushtaya, sous les quatre aspects
suivants :
1) Shravana : &outer attentivement avec un
esprit calme les discours du sage, et cela d’autant
plus que le sujet traite est la science divine, parce
que c’est la plus abstruse et la plus subtile des
sciences.
2) Manana : reflechir, dans la solitude, a ce que
l’on a entendu et dissiper ensuite ses doutes en
questionnant le conferencier. Des questions peuvent
parfois etre posees au milieu meme du discours
avec l’assentiment du conferencier et de l’auditoire.
3) Nididhydsana : quand tous ses doutes sont
dissipes par l’enseignement et la reflexion, le
chercheur entre alors dans l’etat superieur et voit
par lui-meme, avec l’aide du yoga, si ce qu’on a dit
est vrai ou non. C’est ce qu’on appelle nididhyasana.
4) Scikshdtkdra est la connaissance exacte de la
nature, des proprietes et des caracteristiques de
l’objet desire.
Que celui qui cherche le salut renonce aux habitudes
resultant de l’obscurite de l’esprit (tamoguna)
telles que la colere, la salete (physique et
morale), la paresse, rentetement.
Qu’il se tienne eloigne de rajoguna, c’est-adire
de passions telles que la jalOusie, la haine, la
concupiscence, l’orgueil, l’instabilite d’humeur :
qu’il acquiere au contraire, sattva guna, c’est- a-dire
les qualites favorables telles que l’egalite d’humeur,
tine disposition aimable, la purete, la connaissance.
Qu’il soit ami des heureux, bon pour ceux qui
souffrent, aimant pour les bons, mais sans haine
ni amour pour les mechants. Que celui qui cherche
le salut consacre au moins deux heures par jour
a la meditation, aux pratiques religieuses et gull
se represente mentalement tous les principes subtils
du corps, tels que le principe de pensee, etc… Nous
sommes des titres conscients : ce veut dire que
nous pouvons acquerir et posseder la connaissance,
et voir exactement dans quel etat est (‘esprit —
manas — s’il est tranquille ou inquiet, heureux ou
triste. De meme, nous sommes conscients de nos
sens, nous pouvons nous souvenir de ce que nous
avons vu, reconnaitre les differentes idees, les
differents objets, en attirer et en entretenir d’autres,
et pourtant nous en sommes distincts; sans quoi
ame ne pourrait jamais etre libre, ni faire naitre,
ni entretenir le principe de pensee, les sens, le
corps et ses organes.
Il y a cinq modalites de klisha (souffrance) en ce
monde :
a) Avidyd (l’ignorance) : Elle a déjà ete decrite
au debut de ce chapitre.
b) Asmitd : considerer le principe de discernment
et l’ ame comme une seule et meme chose.
c) Raga : l’amour du plaisir.
d) Dvisha : la haine de la souffrance.
e) Abhinivisha : la peur de la mort. Tous les
titres ont le desir continuel de vivre toujours et ne
veulent pas mourir.
Que chaque homme se libere de ces cinq sortes
de klesha (souffrance) par la pratique du yoga, la
connaissance spirituelle, la realisation de Dieu, et
qu’il jouisse de la supreme beatitude de la liberation.
Question : Vos croyances relatives au salut different
radicalement des autres conceptions. Les
jainas, par exemple, croient que le salut consiste
a aller a Shivapuri, et a s’y asseoir tranquillement
sur une plate-forme appelee moksha shild (la pierre
de salut) ; le salut pour les chretiens consiste a aller
au quatrieme ciel et a s’y amuser en chantant, en
jouant, en s’habillant richement, en se mariant, en
se battant les uns contre les autres. Les mahometans
croient que le salut est le fait d’aller au septieme
ciel, d’y posseder des femmes merveilleuses,
d’y porter des habits somptueux, d’y avoir des
domaines, des mets exquis et des boissons. Les
paurdnikas croient en cinq sortes de salut :
1. — Vivre dans le meme monde que Dieu.
2. — Vivre avec Dieu comme son jeune frere.
3. — Devenir semblable a Dieu (de par sa
nature).
4. — Vivre aupres de Dieu comme un serviteur
aupres de son maitre.
5. — L’union intime avec Dieu.
Enfin les vedintistes pretendent que le salut est
l’absorption de l’ame en Dieu.
Reponse : Nous discuterons des doctrines des
jainas, des mahometans et des chretiens dans les
chapitres XII, XIII et XIV de ce livre (1).
Le salut des vdma-nargins qui ne comporte
rien d’autre que la permission de manger de la
viande et de boire du vin, d’entendre des chants
d’amour et de s’amuser avec les femmes, n’est
guere different de ce que vous avez ici-bas. Its considerent
les hommes commes des Mahadevas ou
des Vishnus, les femmes comme des Pdrvatis ou
des Lakshmis et ils jouissent les uns des autres. C’est
exactement ce que font les princes et les riches de ce
monde avec la seule difference qu’il est dit qu’au
paradis it n’y a point de maux, qu’on y demeure
eternellement jeune, ce qui est evidemment faux;
car partout ou it y a du plaisir sensuel, it y a des
maladies et la vieillesse. On devrait dire aux pauranikas
que leurs cinq sortes de salut sont accessibles
aux animaux, aux insectes et aux vers sans qu’il y
ait besoin d’aucun effort de leur part. Prenons par
exemple la premiere sorte de salut : tous ces mondes
ou derneurent les titres vivants appartiennent a Dieu
qui y reside, donc tous les titres vivent dans le
merne monde que lui
La deuxierne sorte de salut
est aussi atteinte par l’ Arne sans aucun effort parce
que, etant plus petite que Dieu, et etant, ainsi que
Dieu, une entite consciente, elle est forcement
comme un jeune frere par rapport a Dieu. Quant a
la troisierne sorte de salut, fame etant de par sa
nature un esprit doue de conscience et de purete, elle
est semblable a Dieu, mais elle ne peut jamais etre
identique a lui en ce sens qu’elle n’aura jamais son
pouvoir infini, et ses qualites infinies. Quant a la
quatrieme forme de salut, Dieu etant omnipresent,
toutes les Ames sont pres de lui, d’ou it decoule que
toutes possedent dej a ce salut. Il en est de meme de la
cinquieme forme de salut, Dieu etant partout, it est
aussi dans l’ame. Donc cette derniere est en union
intime avec lui.
La desintegration du corps et de l’ame en leurs
elements, que certains athees (bouddhistes) appellent
salut (nirvana), est accessible meme aux chiens
et aux anes.
Toutes ces especes de salut ne sont pas le salut.
Ce sont en realite des prisons; tous ces gens vivent
dans le paradis qui leur est propre; s’ils le quittaient,
ils perdraient leur salut. Its sont dons plutot comme
des prisonniers enfermes dans des cachots sombres
desquels ils n’osent pas sortir. Le vrai salut ou
liberation consiste en ceci que l’ame peut slier ou
bon lui semble, sans encombre, sans peur, sans
chagrins et sans doutes.
Les Ames liberties naissent a nouveau quand le
temps est venu.
Q. : Croyez-vous en la multiplicite des naissances
de Fame ?
R. : Je crois en la multiplicite des naissances.
Q. : Pourquoi alors l’ame ne peut-elle se souvenir
de ce qui lui est arrive en d’autres incarnations
?
R. : L’ame est limitee dans sa connaissance et
dans ses facultes. Elle ne voit pas le temps dans
ses trois aspects — le passe, le present et l’avenir —
elle ne peut pas, par consequent, se souvenir de son
passe. De plus, le manas — le principe de la pensee
et de l’attention, au moyen duquel l’ame connait —
ne peut pas avoir deux idees (le passe et le present)
en merne temps. Sans parler d’evenements
survenus dans une vie precedente, pourquoi un
homme est-il incapable de se souvenir de ce qui
lui est arrive du temps de sa conception jusqu’a
l’ Age de cinq ans par exemple ? Nous voyons et
nous entendons tant de choses differentes a l’etat
de veille et nous revons de tant d’evenements
pendant un sommeil leger, pourquoi oublions-nous
toutes ces choses dans un etat de sommeil profond ?
Si on vous le demandait, it vous serait impossible
de dire par exemple ce que vous faisiez le neuvieme
jour du cinquieme mois de la treizieme annee de
votre vie a dix heures precise,. du ma tin; ou vous
regardiez; quelle etait la position de vole tete et de
vos mains; si votre bouche etait ouverte ou fermee;
et a quoi vous pensiez. Si la situation est telle
meme dans votre vie presente, n’est-il pas absurde
de douter de la realite d’une existence prealable de
l’ame simplement parce que nous n’en avons
aucun souvenir?
De plus, c’est une chose heureuse que fame ne
puisse se rappeler son passe, car autrement it n’y
aurait pas de bonheur pour elle. Elle perirait de
douleur et d’angoisses mentales causees par le
souvenir des souffrances terribles qu’elle a eprouvees.
Nul ne peut savoir ce qui s’est passe dans ses
vies anterieures, meme en s’y effor cant ; car la connaissance
et la puissance de l’ Arne sont limitees.
Dieu seul peut le savoir.
Q. : Comment le chatiment inflige par Dieu a
l’ Arne peut-il la reformer alors que celle-ci oublie
son passe : car le chatiment ne peut retenir fame
de commettre de nouveaux peches que si elle
se souvient que tel chatiment a ete la consequence
de tel peche.
R. : A votre idee, combien existe-t-il de sortes de
connaissance ?
Q. : Il y en a huit. Par exemple, la connaissance
directe, la deduction, l’analogie, etc…
R. : Ne pouvez-vous donc pas connaitre-l’existence
d’une vie prealable de l’ ame par deduction,
quand vous voyez tant de gens differents nes et
eleves dans des conditions differentes telles que la
richesse et la pauvrete, le bonheur et la souffrance,
le talent et la betise, etc… Supposons qu’un medecin
et un homme ordinaire tombent tous deux malades.
Le medecin ayant etudie la medecine, saura tout
de suite la cause de la maladie, l’autre en est
incapable. Mais, meme l’homme ordinaire sait que
pour avoir contracts une maladie; it a du violer une
loi de la nature — une loi de l’hygiene, de l’alimentation,
etc… De merne ne pouvez-vous pas
conclure a l’existence prealable de l’ame par l’observation
de tant de douleurs, de souffrances, de joies,
reparties si inegalement (cette inegalite n’etant pas le
resultat des actions des hommes dans la vie presente)
? Si vous vous refusez a croire en l’existence
anterieure de lame, imaginez-vous qu’un Dieu de
justice puisse donner aux uns la richesse, la puissance,
le talent, etc… tout en frappant les autres de
souffrances, de miseres, d’imbecillite, etc…, sans
qu’ils aient rien fait de bien ou de mal dans des
vies precedentes pour meriter tout cela ? Dieu ne
peut etre juste qu’en accordant a Fame la souffrance
ou la joie, selon ses propres actions bonnes ou
mauvaises commises au cours de ses existences
passees.
Q. : La croyance a une naissance unique n’est
pas contraire a la justice de Dieu. Il est pareil a un
monarque souverain, tout ce qu’il fait est juste.
Il peut aussi etre compare a un jardinier qui, dans
son jardin, plante des arbres, grands et petits. Il en
taille certains, it en abat d’autres, it en protege
d’autres encore contre le vent et contre le betail, it
les ameliore et it les multiplie. On peut faire ce
qu’on veut de ce qui est a soi. De meme, Dieu peut
faire ce qu’il vent de ce monde. Au-dessus de lui ii
n’y a rien, ni personne qui puisse le ch Mier ou qu’il
doive craindre.
R. : Dieu desire toujours la justice et agit avec
justice, et c’est a cause de cela qu’il est grand et
digne de notre hommage et de notre adoration.
S’il agissait injustement, it ne serait pas Dieu.
Un jardinier qui planterait des arbres sans but au
milieu des chemins, qui en abattrait sans necessite,
qui multiplierait des especes inutiles, en negligeant
les meilleures, serait a blamer. De meme, si Dieu
agissait sans cause raisonnable, it serait a blamer
egalement. Il est absolumem necessaire que Dieu
agisse avec justice parce qu’il est juste et pur par
sa nature meme. comme un insense,
it serait inferieur a n’importe quel bon juge de
notre monde; it ne serait plus honore. Un juge qui,
dans ce monde, punit l’innocent et recompense
celui qui en est indigne ne merite-t-il pas un blame,
ne compromet-il pas son honneur ? Dieu ne fait
jamais rien ld’injuste et par consequent il. ne craint
personne.
Q.: Mais Dieu a tout ordonne d’avance. Il donne
ou it agit selon ce qu’il a decide de donner ou de
faire a l’avance.
R. : Sa decision est toujours conforme aux actions
de l’ ame. S’il en etait autrement, it serait injuste
et coupable.
Q. : Tous les hommes ont autant de misere et
de bonheur les uns que les autres. Les grands ont
de grands soucis, et les petits en ont de petits.
Un riche marchand, par exemple, est engage dans
un proces d’un million de roupies. Il sort de chez
lui, Porte sur les epaules de quelques malheureux
dans un palanquin et s’avance vers le palais de
justice par une journee brulante. Les ignorants
le voyant ainsi s’ecrient : Contemplez la puissance
du vice et de la vertu; en voici un qui est assis
confortablement dans son palanquin, alors que les
autres le portent sur leurs epaules, nu-pieds sur le
sol brulant. * Mais le sage sait qu’a l’approche du
palais de justice, l’anxiete du marchand, ses craintes
et ses soucis augmentent, alors que les porteurs, au
contraire, se rejouissent a l’idee d’être bientOt
debarrasses de leur fardeau. Arrive au tribunal le
marchand s’inquiete : < Irai-je voir mon avocat
d’abord, se dit-il, ou verrai-je d’abord le greffier ?
Vais-je gagner ou perdre aujourd’hui ? Ah! si je
savais seulement ce qui va se passer, etc… * Les
porteurs, d’autre part, bavardent, fument, sont
contents et font la sieste. Si le marchand gagne,
it eprouve une certaine satisfaction, s’il perd, it
tombe dans une depression profonde, alors que les
porteurs restent indifferents a ce drame. De meme
encore, le roi qui se couche sur un beau lit moelleux
ne s’endort pas plus vite que le laboureur qui
s’etend sur la terre rude et pierreuse. On peut en
dire autant d’autres conditions apparemment inegales.
R. : L’ignorant seul peut croire que tous sont
egalement heureux ou malheureux. Si l’on offrait
au riche marchand et au porteur de changer de
place, le marchand ne voudrait jamais devenir un
porteur, mais le porteur accepterait l’offre avec
enthousiasme. Il n’en serait pas ainsi s’ils etaient
egalement heureux.
Considerez la difference entre le bonheur des uns
et la souffrance des autres ! L’un est concu par
une refine, il est le fils d’un roi puissant, juste et
instruit, l’autre est le malheureux enfant d’un
pauvre paysan. L’un est heureux et bien soigné des
le jour meme de sa conception, l’autre souffre de
cent manieres differentes; des sa naissance l’un est
baigne dans une eau pure et parfumee, il est bien
nourri ; quand il a faim on lui donne du lait sucre, et
tout ce qui lui est necessaire. Il est entoure de serviteurs,
de jouets. On le conduit dans des sites sains
et riants. Il est aime, il est heureux. L’autre est ne
dans la jungle, il n’a meme pas d’eau pour se laver.
S’il a faim, et qu’il demande du lait, on lui frappe le
visage, it pleure miserablement, mais personne ne
s’occupe de lui, et ainsi de suite.
Cette distribution injuste du bonheur et de La
souffrance a des Ames qui n’ont rien fait pour menter
un tel traitement serait une honte pour Dieu.
De plus, si nous souffrons ou si nous jouissons
dans ce monde sans avoir rien fait pour le meriter,
alors nous ne devrions pas aller au ciel ou en enfer
apres la mort selon nos actions dans cette vie; de
meme que Dieu nous dispense la douleur ou la joie
selon son bon plaisir, selon son bon plaisir encore, it
nous enverrait en enfer ou au ciel. Alors pourquoi
les hommes rechercheraient-ils la vertu ? Se fiant a ce
genre de logique, tous les hommes vivraient dans le
peche ; car it serait douteux que la vertu porte des
fruits. Tout dependrait du bon plaisir de Dieu. Nul
ne craindrait les consequences du peche et la vertu
disparaitrait de ce monde. Il s’ensuit par consequent
que la naissance actuelle de 1′ ame est conforme a ses
actions — bonnes ou mauvaises — dans le passe,
alors que l’avenir est conditionne par son genre de
vie actuel, vertueux ou non.
Q. : Les Ames incarnees dans les corps d’hommes
ou d’animaux sont-elles de meme nature ou de
nature differente ?
R. : Elles sont toutes de la meme nature, mais
sont pures ou impures selon leurs vices ou leurs
vertus.
Q.: Les Ames des hommes peuvent-elles s’incarner
dans des corps d’animaux et vice versa ? les
Ames des hommes peuvent-elles s’incarner dans des
corps de femmes et vice versa ?
R. : Oui, elles le peuvent. Une arne oil le peche
predomine prendra le corps d’un animal inferieur;
une Anne ou le vice et la vertu se disputent la
victoire s’incarnera dans le corps d’un homme
moyen; mais Fame oil la vertu triomphe renait
dans le corps d’un homme juste et instruit.
La separation de l’ ame et du corps s’appelle la
mort, leur reunion s’appelle la naissance. Quand
Paine quitte le corps, elle vit dans l’atmosphere
parce qu’il est dit dans le Veda « Yama est un autre
mot pour l’air ». Apres quoi, le grand Juge — Dieu
— incarne Paine selon sa nature et ses actions
passees. Guidee par Dieu elle penetre dans le corps
d’une creature vivante en meme temps que l’air,
l’eau, la nourriture, la boisson, ou par n’importe
quelle ouverture du corps, apres quoi elle s’achemine
vers les organes reproducteurs et s’etablit
dans l’uterus, prend forme et nait eventuellement.
Elle est revetue d’un corps male ou femelle selon
qu’elle l’a merite; un hermaphrodite est forme par
(‘union d’elements males et femelles en proportions
egales au moment de la conception.
L’ame est enchainee a la roue des morts et des
renaissances jusqu’au moment oil, par l’exercice
de Ia vertu la plus elevee, une absorption complete
dans Ia contemplation} du divin et l’acquisition de
la sagesse la plus haute, elle obtient la liberation.
Par des actions d’une haute vertu, elle nait dans le
corps d’un personnage vertueux et sage et, s’etant
degagee des renaissances et des morts avec la
souffrance qui en decoule, elle jouit de la felicite
parfaite dans la liberation jusqu’au moment de la
grande dissolution.
Q. : La liberation peut-elle etre obtenue en une
vie ou plusieurs vies sont-elles necessaires ?
R. : On l’obtient en plusieurs vies; car it est dit
dans les Upanishads : « En verite, c’est seulement
quand tous les nceuds de son cceur — obscurite et
ignorance — sont denoues, quand tous ses doutes
sont calmes, et quand elle s’est degagee du peche,
que fame trouve le repos dans cet Esprit supreme
en lequel elle baigne et dont elle est penetree. r
(Mundaka Upanishad, II, 8.)
Q. : L”ame liberee est-elle absorbee en Dieu ou
conserve-t-elle son individualite ?
R. : Elle conserve son individualite separee, car,
si elle etait absorbee dans l’Esprit divin, qui done
alors jouirait de I’extase de la liberation ? Toutes
les souffrances endurees, tous les efforts, tous les
moyens employes pour obtenir la liberation deviendraient
inutiles. L’absorption de l’ ame dans
l’Esprit divin n’est pas la liberation, mais la mort ou
l’annihilation. Seule parvient a la liberation l’ame
qui se soumet a la volonte divine, qui exerce la
vertu la plus haute, qui participe a tout ce qu’il y a
de grand et de beau, qui pratique le yoga, et qui
met en oeuvre tous les moyens dont nous avons parle.
L’Upanishad dit : o L’ame qui connait l’Esprit
supreme, l’Esprit qui est la totalite de la verite,
de la connaissance, et de la beatitude parfaites, et
qui reside au sein meme de l’ame et du principe de
discernement, trouve le repos dans le Dieu omnipresent;
par son harmonie avec l’Etre supreme,
omniscient et infini, toutes ses aspirations sont
satisfaites. Autrement dit, elle obtient tous les
bonheurs qu’elle desire. * (Taittiriya Upanishad,
Anandavalli 1.)
Q. : Alors que l’ame ne peut jouir d’aucun bonheur
de ce monde sans un corps, comment peut-elle
jouir de la felicite de la liberation sans un corps
physique ?
R. : J’ai déjàrepondu a cette objection, mais
j’ajouterai que l’ame jouit de la felicite de la liberation
par Dieu de la meme facon qu’elle jouit des
plaisirs du monde par son corps. L’ame liberee se
meut au sein du Dieu infini et immanent ainsi
qu’elle le desire, elle contemple toute la nature grace
A la pure connaissance; elle rencontre d’autres rimes
liberties, saisit toutes les lois de la nature dans leur
action meme, connait tous les mondes visibles et
invisibles, et plus sa connaissance augmente, plus
augmente sa felicite. C’est par sa purete que Prime
acquiert sa connaissance parfaite. Cette extreme
felicite seule merite le nom de paradis (svarga),
alors que la recherche des desirs du monde et la
souffrance qui s’ensuit meritent le nom d’enfer
(naraka). Tous les hommes ont le desir naturel du
bonheur et souhaitent d’echapper a la peine et a la
souffrance. Mais ce bonheur n’est possible que
Iorsque I’homme renonce au peche car l’effet ne
saurait etre supprime tant qu’existe la cause. Il est
dit : « Toute souffrance cesse des que cesse le peche,
de meme qu’un arbre perit quand it est separe de sa
racine.
Voici comment Manu decrit l’action du vice et
de la vertu :
Qu’un homme done connaisse cette triple nature
de l’esprit — la plus elevee, la moyenne et la plus
basse — qu’il developpe en lui la plus elevee et qu’il
rejette les deux autres. Qu’il se souvienne aussi qu’il
existe une recompense : le bonheur, et une punition:
la souffrance, pour toutes ses actions, les actions
mentales ou pensees, verbales ou paroles, et physiques
— les actions du corps.
» En punition de peches physiques (tel que le vol,
l’adultere, ou le meurtre de personnes vertueuses),
un homme renaitra sous une forme vegetale ; pour
les peches de la parole, it prendra la forme d’un
oiseau ou d’un animal; et pour les peches de la
pensee, it vivra dans les conditions humaines les
plus basses.
* La qualite (1) predominante d’un corps physique
rend l’ ame incarnee dans ce corps particulierement
disposee a l’exercice d’une telle qualite.
» La possession par Fame d’idees vraies est une
indication de sattva. L’ignorance indique le tamas.
Amours et haines passionnees signifient rajas. Ces
trois attributs de la, prakriti se rencontrent en
toutes choses.
Quand un homme se trouve dans un etat de
(1) II s’agit ici des trois qualitis : sattva, rajas, tames. (N. du T.)
paix et de contentement, quand son ame est pure
telle que la plus pure lumiere, qu’il sache que le
sattva predomine; le rajas et le tamas jouent un
role secondaire.
* La qualite (1) predominante d’un corps physique
rend l’ ame incarnee dans ce corps particulierement
disposee a l’exercice d’une telle qualite.
» La possession par Fame d’idees vraies est une
indication de sattva. L’ignorance indique le tamas.
Amours et haines passionnees signifient rajas. Ces
trois attributs de la, prakriti se rencontrent en
toutes choses.
Quand un homme se trouve dans un etat de
(1) II s’agit ici des trois qualitis : sattva, rajas, tames. (N. du T.)
paix et de contentement, quand son ame est pure
telle que la plus pure lumiere, qu’il sache que le
sattva predomine; le rajas et le tamas jouent un
role secondaire.
L’etude du Veda — source de toute veritable
connaissance — la consecration au devoir, le progres
de la connaissance, le desir de la purete corporelle
et spirituelle, la maitrise de soi, l’exercice de la
justice, et la contemplation du divin, sont tous des
effets de sattva.
Un zele intermittent, l’impatience, la pratique
d’actes reprehensibles et le gotit des plaisirs des
sens, indiquent la preponderance de rajas et la
disparition relative de tamas et de sattva.
>> La cupidite poussee a l’extreme (source de tous
nos maux), l’extrime indolence, la betise, la somnolence,
le mecontentement, la cruaute, l’atheisme, la
confusion de l’esprit, l’absence de concentration, les
mauvaises habitudes, sont des indications de tamas.
» L’action dont on a honte, lorsqu’on l’a faite,
lorsqu’on la fait, ou lorsqu’on se prepare a la faire,
doit etre consideree par l’homme sage comme
empreinte de la qualite de tamas.
Quand un homme recherche la gloire de ce
monde, qu’il donne sans cesse de I’argent aux
parasites et aux flatteurs, et cela meme s’il est
pauvre, qu’il sache que rajas domine en lui.
Quand Fame d’un homme est assoiffee de
connaissance, d’o4 qu’elle puisse provenir, qu’il
s’exerce a la vertu, qu’il accomplit sans honte de
bonnes actions dont it se rejouit, qu’il sache que
sattva predomine en lui.
L’amour du plaisir distingue la qualite de
tamas, l’amour des richesses, la qualite de rajas,
l’amour de la vertu, la qualite de sattva. Nous
allons decrire les conditions qui, resultent de ces
trois qualites. » (Manu, XII, 8, 9, 25 a 39.)
Ceux en qui predomine sattva parviennent
l’etat d’hommes vertueux et sages. Ceux en qui
domine rajas, deviennent des hommes, mais ceux
qui sont plonges dans le tamas tombent dans les
conditions les plus basses.
» Le dernier degre de tamas conduit a la renaissance
sous forme de vegetal (arbre), de ver, d’insecte,
de poisson, de serpent, de tortue, de betail,
etc…
» Du degre moyen de tamas decoule une renaissance
sous forme d’elephant, de cheval, d’etre
humain imbecile, sale, ou barbare, d’animal feroce
tel que lion, loup ou sanglier. Le degre superieur
du tamas nous donne les flatteurs, les plus beaux
des oiseaux, les fanfarons, les hommes cruels et
assoiffes de sang et les ivrognes.
* Du plus bas degre de rajas dependent les
spadassins et les maitres d’armes, les acteurs, les
jardiniers, les marins, les acrobates, ceux qui se
livrent au jeu et A la boisson; du degre moyen, les
rois, les guerriers, les hommes politiques, les chapelains
des rois, ceux qui excellent dans la controverse,
les ambassadeurs, les hommes de loi, les
juges, les generaux, etc…
* Du degre superieur, les chanteurs, les musiciens,
les hommes tres fortunes, les amis et cornpagnons
des grands sages et leurs serviteurs, et les
femmes d’une grande beaute.
* Du dernier degre de sattva, les hommes bons,
vertueux et veridiques, maitres de leurs passions,
les instructeurs altruistes de l’humanite, les sannyisins,
les maitres du Veda, es aeronautesdes astronomes,
les medecins, les savants, les hommes profondement
verses dans la connaissance du corps
humain. Du degre moyen de sattva, les philanthropes,
les voyants du Veda, les hommes sages et
pieux, les hommes de science, ceux qui possedent
un pouvoir et une connaissance quill mettent au
service des autres, les grands instructeurs. Du
degre superieur de sattva, les maitres des quatre
?Vedas, les maitres de tous les arts et de toutes les
sciences, les inventeurs et constructeurs d’aironefs
et autres machines, ceux qui sont la sagesse et la
vertu incarnees, ceux qui ont appris a dominer la
matiere elementaire. » (Manu, XII, 40, 42 a 50.)
Donc, tout acte qu’un homme aura seine au
moyen de sattva, rajas et tamas, it en recoltera
le resultat. Celui qui est libere, ne subit plus le
joug de ces trois qualites. Que chacun, par consequent,
cherche a devenir un grand yogin par l’exercice
du yoga, qu’il recherche sa liberation, qu’il
retienne son esprit d’accomplir les actions qui
emanent de rajas et de tamas et, plus tard, meme
de celles qui emanent de sattva, qu’il soit impregne
de purete. Qu’il degage son esprit des sens, qu’il
l’oriente vers la vertu et le concentre sur Dieu. a Ce
detachement de l’esprit de toutes chases et sa concentration
sur un seul point est appele yoga.
Quand l’esprit est detache et concentre, Paine a
son centre en Dieu lui-meme — en celui qui voit
tout — et finalement elle repose en lui. » (Yoga
&atm, I, 2.)
Que l’homme pratique tous les moyens decrits
plus haut, afin d’obtenir la liberation, but supreme
de l’effort humain.