Chapter Seven

Dieu et le Veda
Dieu
Its sont athees et doues d’une faible intelligence,
ils restent continuellement submerges dans
les profondeurs de la misere et de la douleur, ceux
qui ne croient pas en lui et ne le connaissent pas,
ceux qui ne communient pas avec celui qui est
resplendissant, tres-glorieux, tres-saint, omniscient,
soutien du soleil, de la terre et des autres planetes,
qui penetre tout commme l’ether, qui est le Seigneur
universel, dominant toutes les devatas. C’est seulement
par la connaissance et la contemplation de
Dieu que les hommes atteignent a la vraie felicite.
(Rig Veda, I, 164, 39.)

Question : Dans le Veda, plusieurs dieux sont
mentionnes. Y croyez-vous ou non ?
Reponse : Non, nous n’y croyons pas. Car dans
l’ensemble des quatre Vedas nulle parole ne prouve
qu’il y ait plus d’un seul dieu. Au contraire, dans
beaucoup de passages it est dit clairement qu’il
n’existe qu’un seul Dieu.

Q. : Cependant les Vedas font allusion a plusieurs
devatas (1)?
R.: Toute chose, toute personne qui possede des
qualites utiles ou excellentes est appelee devati,
comme par exemple la terre; mais nulle part la
devata n’est consideree comme un dieu ou un
objet digne de notre adoration. Et meme dans le
mantra precite, it est dit : Lui qui est le soutien
de toutes les devatas est le Dieu adorable, seul
digne d’être suivi. Its se trompent gravement ceux
qui croient que le mot devata signifie Dieu. Il est
appele Devata des devatas, car lui seul est l’auteur
de la creation, du maintien et de la dissolution de
l’univers, le grand Juge et le Seigneur de tout. Dans
le texte vedique : « Le Seigneur de tous, le Souverain
de l’univers, le soutien de tout, maintient
toutes choses au moyen de trente-trois devatas n>, le
mot : devatas a ete explique dans le quatorzieme
chapitre du Shatapatha Brahmina de la maniere
suivante : (1) corps cosmiques incandescents ;
(2) planetes; (3) atmosphere; (4) espace supraterrestre
; (5) soleils; (6) rayons de l’espace &here;
(7) satellites; (8) etoiles

Ces huit elements enumeres
sont appeles vasus, parce qu’ils sont la demeure
de tout ce qui vit, se meurt ou existe. Les onze
rudras sont les dix pranas — forces nerveuses —
qui animent le corps humain; le onzieme est.l’esprit
humain. On les appelle rudras, car le corps meurt
quand ils le quittent, et les parents du decide
(1) Devate : divinite, scion la traduction habituelle. (N. du T.)
commencent alors a pleurer (1). Les douze mois de
l’annee sont appeles ddityas parce qu’ils determinent
le cours et la duree d’existence de chaque
objet ou etre. L’electricite qui penetre tout est
appelee indra (3), parce qu’elle produit une grande
force. Yajna (4) est appele prajdpati (5) parce qu’il
est bienfaisant pour l’humanite par la purification
de l’air, par I’eau, la pluie et la vegetation; parce
qu’il stimule le developpement de differents arts,
et confere aux erudits et aux sages les honneurs qui
leur sont dus.

Les trente-trois entites ci-dessus sont nominees
devatas parce qu’elles possedent des qualites utiles.
L’Etre supreme, qui est le Seigneur, et le plus grand
de tous, est appele trente-quatrieme devata. C’est
la seule qui doive etre adoree. La meme chose est
&rite dans les autres Shastras. Si l’on avait consulte
ces livres, on ne serait pas tombe dans l’erreur de
croire qu’il y a plus d’un seul Dieu mentionne dans
les Vedas.
Cet univers entier, et chacun des mondes dans
l’ensemble de l’univers, est permee par l’unique
Souverain supreme. C’est lui le vrai Dieu. Crains-le,
6 mortel I et ne convoite pas injustement la richesse
d’aucune creature. Renonce a tout ce qui est
injuste et jouis de la felicite pure, du vrai bonheur
spirituel qui se trouve dans l’aecomplissement de la

justice et du droit — telle est la seule religion
veritable. * (Yajur Veda, XL, 1.)
Dieu nous enseigne dans le Veda : x retais
present avant que l’univers fut appele a l’existence.
Je suis le Seigneur de tous, je suis la cause iternelle
de la creation tout entiere. Je suis la source et le
dispensateur de toute richesse. Que les hommes
me considerent comme les enfants leurs parents.
J’ai assigne aux creatures les nourritures et les
boissons n4cessaires a leur subsistance afin qu’elles
puissent vivre dans la joie. * (Rig Veda, X, 4E.)

Je suis Dieu tout-puissant, je suis la lumiere
du monde, comme le soleil. Ni la defaite ni la mod
ne sauraient m’atteindre. Je dirige l’univers; reconnaissez
en moi le createur universel. Efforcez-vous
assidument d’acquerir la puissance et la richesse
(telle que la vraie connaissance). Cherchez-moi.
Puissiez-vous ne jamais perdre mon amitie. Je
donne la vraie connaissance, qui est la richesse
reale, a ceux qui sont fideles. Je suis le revelateur
des Vedas, qui proclament ma veritable nature. C’est
par les Vedas que je donne is tous la connaissance.
Je favorise le bien et le vrai. Je recompense ceux qui
sont au service de l’humanite. Je suis la cause, je
suis le soutien de tout ce qui existe dans cet univers.
Ne vous detournez jamais de moi. Gardez-vous de
jamais accepter, de jamais adorer un autre dieu
a ma place. * (Rig Veda, I, 5.)

* Dieu, to mortels, existait au commencement de
la creation. II est le createur, le soutien et l’appui
du soleil et des autres mondes lumineux. II fut
le Seigneur de la creation passee. Il est le Seigneur
de la presente. Il sera le Seigneur de celle qui est
encore a naitre. Il a cree tout l’univers et it le
soutient. Il est la beatitude eternelle. Louez-le et
adorez-le comme nous. » (Yajur Veda, XIII, 4.)

Question : Vous parlez de Dieu, mais comment
pouvel-vous prouver son existence ?
Reponse : Par l’evidence de la connaissance
directe et par d’autres evidences.
Q : Mais a regard de Dieu, it ne peut y avoir
evidence par connaissance directe.
R : « La connaissance qui resulte du contact
direct des cinq sens — optique, auditif, olfactif,
gustatif et tactile — et de l’esprit, avec la lumiere,
le son, l’odeur, le gout et le toucher, avec les sentiments
de plaisir et de souffrance, les notions de vrai
et de faux — est appelee connaissance directe. Mais
cette connaissance ne doit pas comporter d’erreur ou
de doute. » (Nyaya Shistra, I, 4.)

Cependant, par le moyen des sens et de l’esprit,
on n’arrive qu’a connaitre les attribute, jamais les
substances elles-memes auxquelles ces qualites sont
inherentes. Nous nous apercevons par exemple de
l’existence d’une substance solide lorsqu’elle donne
lieu aux sensations de toucher, d’odeur, etc…,
parce qu’elle entre en contact avec nos sens
(comme le toucher), lesquels, a leur tour, communiquent
avec l’esprit, et celui-ci avec rime. De
meme, nous connaissons l’existence de Dieu en
observant dans ce monde des qualites telles que le
dessein preetabli et l’intelligence. En outre, des
que fame dirige l’esprit et que celui-ci dirige les
sens vers la poursuite de certains buts, soit bons —
comme les actions qui servent le bien general —
soit mauvais — comme le vol — toutes les actions
tendent a l’objet desire, et au moment meme de
l’accomplissement du &sir, les sentiments de peur,
de honte et de doute surgissent dans l’ ame si
l’action a ete coupable, ou les sentiments d’intrepidite,
de courage, de satisfaction ou de bonheur,
si l’action a ete bonne. Ces sentiments ne proviennent
pas de l’ ame humaine, mais de l’Esprit divin.

Q.: Dieu est-il omnipresent, ou reside-t-il dans
un lieu particulier ?
R. : Il est omnipresent. S’il etait localise en un
point particulier, it ne pourrait etre omniscient,
regulateur interne de tout, souverain universel,
createur de tout, soutien de tout et cause de la
decomposition de toutes choses en leurs elements
constitutifs. De meme, it est impossible d’accomplir
une action dans un lieu oil l’on ne se trouve pas.
Q. : Dieu est-il juste aussi bien que misericordieux
?
R.: Oui, it l’est

Q. : Cependant, les deux attributs se contredisent,
puisque la justice consiste a donner
chacun la quantite equitable de plaisir et de souffrance,
ni plus ni moins, conformement a la nature
de ses actions, tandis que la misericorde consiste
laisser le pecheur impuni. Comment Dieu peut-il
etre juste et misericordieux en mane temps ?
R. : Entre la justice et la misericorde, it n’y a
qu’une difference de nom. L’une et l’autre visent
au meme’but. La punition empeche les hommes de
commettre des crimes et les libere ainsi de la
douleur et de la misere. Et quel est (‘objet de la
misericorde si ce n’est de liberer les hommes de la
misere ? Vos definitions de la justice et de la misericorde
ne sont pas correctes, parce qu’on appelle
justice l’application d’une juste punition, exactement
proportionnee au crime. Si le pecheur n’etait
pas puni, c’est la misericorde qui serait detruite,
parce qu’en negligeant de punir un coupable — un
voleur, par exemple — on fera souffrir des milliers
de gens pieux et loyaux. Est-ce un acte de misericorde
que de laisser impuni un seul homme en
faisant souffrir les autres ? La misericorde envers
ce voleur consisterait bien plut8t a le garder en
prison et a l’empecher ainsi de commettre de
nouveaux crimes. Ce serait aussi un acte de misericorde
envers des milliers d’autres hommes de les
liberer de ce voleur ou de ce brigand en l’executant
ou en l’emprisonnant.

Q. : Alors pourquoi deux termes differents —
misericorde et justice — si tous deux signifient la
meme chose ? Un seul suffirait. S’il y en a deux, cela
demontre qu’ils n’ont pas le meme sens.
R.: Est-ce qu’une idee ne peut etre exprimee par
plusieurs mots, et un mot ne peut-il exprimer plusieurs
idees ?

Q. : Oui, c’est un fait.
R. : Alors pourquoi en avez-vous doute ?

Q. : Parce qu’on entend parler de cette facon dans
le monde.
R.: On entend des affirmations vraies et fausses
dans le monde, et c’est precisement notre devoir
de les distinguer apres reflexion. Considerez la
misericorde infinie de Dieu qui a cree toutes choses,
les distribuant genereusement pour le bien de tous.
Quelle misericorde egalerait la misericorde divine ?
Et d’autre part, l’inegalite des conditions humaines
— les uns souffrent tandis que les autres sont
heureux — est une preuve evidente de l’application
constante de sa loi de justice. La misericorde et la
justice ne different que dans un sens : l’intense
desir d’accorder le bonheur tous les titres est la
misericorde; tandis que l’action exterieure, comme
par exemple l’emprisonnement ou l’execution d’un
criminel, est la justice. Mais toutes deux servent
le meme but : delivrer tous les hommes du peche
et de la souffrance qui en resulte.

Q. : Dieu a-t-il une forme, ou est-il sans forme ?
R. : Il est sans forme, car s’il await une forme, it
ne serait pas omnipresent ni, par consequent,
omniscient, puisqu’une substance finie ne peut
avoir que des attributs, des actions et une nature
finis. En outre, it souffrirait de la faim et de la soif,
de la chaleur et du froid, de la maladie et de toutes
sortes d’imperfections. Donc, Dieu ne peut etre que
depourvu de forme. Si l’on suppose qu’il a un corps,
un autre etre aurait dil exister avant lui pour creer
les diverses parties de son corps. Si l’on accepte la
creation spontanee du corps de Dieu par le seul acte
de sa propre volonte, on doit supposer que Dieu
etait sans forme avant la creation de son corps.
Il est done clair que Dieu n’est jamais incarne.
Etant sans corps, it peut creer l’univers visible
grace a des causes invisibles.

Q.: Dieu est-il tout-puissant ou non ?
R.: Oui, it l’est, mais vous avez une conception
fausse de Yid& de toute-puissance. Le mot signifie
seulement que Dieu n’a besoin de l’aide de personne
pour accomplir ses oeuvres, telles que la creation, le
maintien, la dissolution de l’univers, et l’administration
de la justice divine. En d’autres termes, it realise
toutes ses oeuvres grace a sa propre force infinie.

Q.: Mais nous croyons que Dieu peut faire tout
ce qu’il veut. Il n’y a personne au-dessus de lui.
R. : Mais que veut-il ? Si vous dites qu’il veut et
peut faire n’importe quoi, nous demandons :
peut-il se tuer soi-meme ? peut-il crier d’autres
dieux comme lui, peut-il devenir ignorant, cornmettre
des peches tels que le vol, l’adultere, etc…,
ou bien peut-il etre malheureux ? La reponse ne
saurait etre que negative, puisque toutes ces choses
sont opposees a la nature et aux attribute de Dieu.
Par consequent, votre affirmation que Dieu peut
faire toutes choses n’est pas valable. Par contre,
notre explication du terme « tout-puissant > est la
seule vraie

Q. : Dieu est-il and& (n’ayant pas de commencement),
ou sddi (ayant un commencement)?
R. : Il est anadi, c’est-a-dire qu’il n’a ni cause,
ni commencement.

Q. : Devons-nous louer Dieu, le prier, et cornmunier
avec lui ?
R. : Oui.
Q.: Est-ce que ces actes peuvent obliger Dieu a
suspendre ses lois, et a pardonner les peches de
ceux qui l’adorent ?
R.. Non.

Q. : Alors, pourquoi devons-nous adorer Dieu ?
R. : Le but de l’adoration est tout a fait different
de ce que vous croyez.

Q.: Quel est ce but ?
R. : La louange de Dieu peut etre de deux
especes : positive et negative. La louange positive
consiste a faire l’eloge des attributs positifs de Dieu.
Par exemple : « Cet Etre supreme s’etend sur tout.
Il est tout esprit, toute energie, omnipotent, pur,
parfait, omniscient; a l’interieur de tout, it est le
maitre, gouvernant tout, &erne’, existant par soimeme.
De toute eternite, it instruit les Ames
humaines increees et immortelles, leur enseignant
la vraie connaissance des choses par la revelation
du Veda — sa sagesse eternelle. » (Yajur Veda, XL,
8.)

La louange negative consiste a louer Dieu comme
exempt de caracteristiques contraires a sa divinite,
telles que la passion ou la mechancete. « Il n’est
jamais incarne, it n’est jamais ne, it n’est pas susceptible
d’impression ou d’organisation, it ne commet
jamais de peche, it n’est jamais sujet a la douleur, an
chagrin, a l’ignorance, etc… » (Yajur Veda, XL, 8.)

Le but de la louange est la reforme de notre
nature, de nos qualites et de notre caractere, d’apres
la nature, les attributs et le caractere de Dieu; par
exemple, en nous effor cant d’être aussi justes que
Dieu, etc… Celui qui fait l’eloge de Dieu servilement,
mais ne reforme pas son caractere, n’en retire
aucun benefice.

La priere doit etre adressee a Dieu de cette
facon : a Accordez-nous, o Seigneur tres glorieux,
par votre misericorde, cette meme sagesse que les
sages, les savants et les yogins vous demandent en ce
moment meme. * (Yajur Veda, XXXII, 14.)
t Vous etes la lumiere, soyez misericordieux et
versez dans mon cceur cette lumiere. Vous etes
l’energie infinie, par votre grace accordez-moi
l’energie intarissable. Vous etes la puissance
infinie, douez-moi d’une grande puissance. Vous
etes courrouce envers les mechants, faites-moi
aussi courrouce. Vous n’etes emu ni par la medisance,
ni par la louange, vous etes patient envers
ceux qui vous offensent, faites-moi aussi patient. *
(Yajur Veda, XIX, 9.)

4 Par votre grace, mon esprit a l’etat de veille
parcourt de longues distances et possede des qualites
splendides; ce meme esprit — qui est la lumiere
des sens — atteint, lorsqu’il dort, l’etat de sommeil
profond; et dans les reves, it erre en des regions
diverses. Accordez-lui toujours, ocean de misericorde,
des pensees pures, pour son bien et pour le
bien des autres etres vivants. Que jamais it ne
souhaite de nuire a aucune creature. H (Yajur Veda,
XXXIV, 1.)

L’esprit est la source de toute activite; it permet
aux hommes d’acquerir la sagesse, la piete, et le
courage d’accomplir des actes d’une grande utilite
publique et des actions heroiques sur le champ de
bataille; en d’autres occasions, it possede des qualites
admirables et gouverne les sens. Ne lui inspirez,
o Dieu omniscient, que des &sirs justes, afin qu’il
renonce completement au Oche et au vice. *
(Yajur Veda, XXXIV, 2.)
• L’esprit est le depositaire de la forme supreme
de la connaissance, la faculte de conscience et de
jugement, it est la lumiere des sens, it est immortel.
Sans lui, l’homme est incapable de faire meme la
chose la plus insignifiante. Que mon esprit aspire
a la purete, o Seigneur, et evite la mechancete.
(Yajur Veda, XXXIV, 3.)

« C’est grace a l’esprit que tous les yogins acquierent
la connaissance du passé, du present et de
l’avenir. C’est grace a lui que l’ame immortelle de
l’homme s’unit a (‘Esprit supreme, prenant ainsi
conscience des trois periodes du temps (le passe,
le present et l’avenir). L’esprit est capable d’effort
conscient et it est etroitement lie aux cinq sens,
a la faculte de discern ement et a l’ame. Il est le
moyen de progresser dans ce grand yajna : le yoga.
0 Seigneur de l’univers ! accordez a mon esprit la
vraie sagesse et le yoga, liberez-le de toute espece
de souffrance et d’ignorance. » (Yajur Veda,
XXXIV, 4.)

« L’esprit est comme le moyeu d’une roue oil
s’inserent tous les rayons. Il est le apositaire du
Rig Veda, du Yajur Veda, du Sama Veda, et aussi
de l’Atharva Veda. C’est en lui que se revele l’Etre
conscient, omniscient, omnipresent, le temoin
universe!. 0 grand Dieu, sage d’entre les sages, par
votre grace, liberez mon esprit de l’ignorance, et
accordez-lui l’amour de la connaissance. » (Yajur
Veda, XXXIV, 5.)
« L’esprit est semblable au cocher qui pent faire
courir ses chevaux dans toutes les directions; de la
meme facon, it dirige les hommes la ou it le veut.
Ayant son siege dans le cceur, it possede une grande
activite et une energie extreme. 0 Seigneur,
souverain de l’univers ! par votre grace, puisse mon
esprit empecher tous les sens de marcher sur le
chemin du mal et les diriger constamment sur le
chemin de la justice. Par votre bonte, Seigneur,
exaucez cette priere. » (Yajur Veda, XXXIV, 6.)

« 0 dispensateur de toute felicite, Esprit supreme,
omniscient, conduisez-nous sur le droit chemin,
inspirez-nous toute science et toute sagesse. Retranchez
de notre conduite tout ce qui est faux et coupable;
faites-nous purs. En vous priant, nous vous
adorons et vous louons sus relache, en toute
humilite. » (Yajur Veda, LX, 16.)
0 punisseur des mechants, ne detruisez pas
nos enfants, nos vieillards, ni nos embryons, ni nos
meres, ni nos peres, ni ceux qui nous sont chers,
ni nos parents, ni nos corps. Dirigez-nous vers le
chemin droit, de facon que nous ne soyons pas
chaties par votre loi. » (Yajur Veda, XVI, 15.)

Costduisez-nous, 6 Esprit supreme, Maitrf, des
maitres, de l’erreur vers la verite, de l’obscurite
vers la lumiere de la connaissance, de la mort et de
la maladie vers l’immortalite et le bonheur eternel.
(Shatapatha Br Ahmana, XIV, 3; I, 30.)
L’homme doit regler ses actions selon ce qu’il
demande dans ses prieres. Par exemple, s’il prie
pour obtenir la sagesse supreme, it doit faire tous
ses efforts pour Pacquerir.

Personne ne doit prier de la maniere suivante,
et jamais Dieu ne repond a une telle priere :
0 Seigneur, detruisez mes ennemis, faites-moi
superieur a tous. Faites que je sois le seul honore
par tous, subordonnez-moi tous les autres », etc…
Car si deux ennemis priaient chacun pour la destruction
l’un de l’autre, Dieu devrait-iI les detruire
tous les deux? Si les Bens commencaient a adresser
a Dieu des prieres aussi insensees, ils seraient
ensuite amen& a prier comme it suit : a 0 Dieu!
cuisinez pour nous, servez-nous notre nourriture,
nettoyez nos maisons, lavez notre linge, labourez
notre terre, et faites aussi pour nous un petit peu
de jardinage. » Its sont de grands sots ceux qui,
comptant sur Dieu de cette fa con, restent inertes
et indolents, car celui qui n’obeit pas au commandement
de Dieu de travailler avec diligence ne sera
jamais heureux. Dieu ordonne ceci :

a Que l’homme aspire a vivre par le travail durant
cent annees, c’est- A-dire toute sa vie. Que jamais
it ne soit paresseux. Considerez que tous les objets
animes et inanimes accomplissent leurs fonctions
respectives dans cet univers. Les fourmis et les
autres creatures sont toujours actives, la terre et
les autres planetes sont constamment en mouvement,
les arbres ne cessent de croitre ou de &Orin
L’homme doit s’instruire par leur exemple. De meme
que les hommes aident celui qui s’aide lui-meme,
ainsi Dieu aide celui qui travaille honnetement.
(Yajur Veda, LX, 2.)

Communion (Upcisanii).
A ce sujet, l’Upanishad dit : « Aucune langue ne
peut exprimer cette beatitude qui emane de la
communion avec l’Esprit supreme dans l’ ante d’un
homme dont les impuretes sont effacees par la
pratique du yoga, dont resprit, detache du monde
exterieur, est centre en l’esprit supreme; car cette
beatitude est ressentie par fame hurnaine seulement
dans son for interieur.
Le mot upasana veut dire litteralement : s’approcher
de. Tout ce qui est necessaire pour s’approcher
de Dieu par la pratique des huit &apes
du yoga et pour voir directement le Dieu omnipresent
et omniscient doit etre accompli.

Celui qui desire aborder Pup isana, doit commencer
ainsi : « (1) II ne doit vciuloir de mal
aucune creature, it doit aimer tous les titres. (2) Il
doit toujours dire la verite, jamais un mensonge.
(3) Il ne doit jamais commettre un vol, it doit etre
honnete dans toutes ses actions. (4) Qu’il sache se
maftriser, eviter la sensualite. (5) Il doit etre humble,
jamais vaniteux. * (Yoga Shistra, Sadhanapada, 30.)

Ces cinq preceptes comprennent la premiere
&ape de l’up asana ; ils sont appeles yamas. Viennent
ensuite les niyamas, egalement au nombre de cinq :
* (1) L’homme doit etre pur interieurement par
la renonciation a toutes les passions, et exterieurement
par l’usage frequent des ablutions, etc…
(2) Il doit travailler assidoment et honorablement,
mais sans se rejouir du profit qui peu’ t resulter de
son travail, ni s’affliger en cas de perte. Qu’il renonce
a l’inertie et demeure toujours joyeux et actif.
(3) Qu’il soit heureux ou malheureux, son esprit
doit rester calme, et il doit agir avec rectitude. (4) 11
doit etudier sans cesse les livres de la vraie sagesse,
aussi bien que les enseigner ; frequenter les gens
bons et pieux; contempler et reciter mentalement
OM, qui est le nom le plus eleve de l’Esprit supreme.
(5) Il doit confier son ame a la volonte de Dieu.
(Yoga Sh Astra, Sadhanapada, 32.)

Ces cinq preceptes constituent, dans leur ensemble,
la deuxieme etape de l’upasana-yoga. Les
six &tapes qui restent peuvent etre etudiees dans le
Yoga Shastra, ou dans notre livre intitule # Introduction
au commentaire des quatre Vedas*.
Quand un homme veut s’engager dans l’upasana,
it doit choisir un endroit solitaire et propre, s’asseoir
commodement, pratiquer le prinayama (controle
de la respiration), empecher ses sens de poursuivre
les objets exterieurs, et fixer son esprit sur une des
parties du corps suivantes : le nombril, le cceur,
la gorge, les yeux, le sommet de la tete ou le dos.

Il doit ensuite faire la distinction entre sa propre
ame et l’Esprit supreme, s’absorber dans la contem230
plation de celui-ci et communier avec lui, c’est- adire
devenir samyamin. Lorsqu’un homme accomplit
ces pratiques, son esprit et son Arne deviennent purs
et impregnes de vertu. Son savoir et sa sagesse
augmentent chaque jour, jusqu’au moment oil it
obtient le salut. Celui qui contemple la divinite de
cette facon, meme une seule heure sur vingt-quatre,
continue toujours d’avancer spirituellement.

L’upasana est positive si Dieu est contemple
comme possedant des attributs tels que l’omniscience;
elk est appelee negative si l’Ame humaine,
absorbee profondement dans l’esprit supreme (qui
penetre meme les substances aussi subtiles que
Fame humaine) le contemple comme denue de
caracteristiques telles que la mechancete, la couleur,
le gout, l’odeur et le toucher. L’ame, en s’approchant
de Dieu, est delivree de toutes les impuretes,
chagrins et douleurs; en nature, ses qualites et son
caractere deviennent purs comme Dieu lui-meme,
de la meme facon qu’un homme qui grelotte cesse
de souffrir du froid en s’approchant du feu. Il nous
faut donc tous adorer Dieu, le louer, lui adresser
des prieres et communier avec lui. Sans parler des
autres avantages qui resultent de cette adoration,
l’accroissement de la force spirituelle est tellement
considerable que meme le chagrin le plus grand ne
saurait alterer la tranquillite mentale de l’adorateur.
Est-ce la chose insignifiante ? Au surplus, celui qui
n’adore pas Dieu est ingrat et insense, car c’est
ingratitude et folie extremes que d’oublier la bonte
de cet Esprit supreme qui a donne genereusement

toutes choses ik ses creatures, et de cesser de croire
a son existence mane.
Question : Comment Dieu peut-il accomplir
l’ceuvre qui est faite par les organs des sens, etant
donne qu’il en est depourvu ?
Reponse : < Dieu n’a pas de mains, mais it prend
et modele tout par la vertu de son omnipotence.
II n’a pas de pieds, mais it surpasse tout autre en
rapidite par la vertu de son omnipotence. Il n’a pas
d’yeux, mais it voit tout parfaitement, pas d’oreilles,
mais it entend tout, pas d’organe interne de pensee,
mais it sait tout. Personne ne peut connaitre ses
limites; it a existe eternellement. Il est l’Esprit
supreme qui penetre tout. * (Shvetashvatara
Upanishad, 3, 19.) Autrement dit, bien que depourvu
des sens et de l’intelligence empirique, it accomplit
toute son oeuvre par la vertu de son omnipotence.

Q. : Beaucoup de personnes disent qu’il est
denue de toute activite et de tous attributs. Cela
est-il vrai ?
R. : « Le grand Esprit eternel ne subit pas de
modifications, et n’a pas besoin d’instruments pour
travailler ; it n’a pas d’egal ni de superieur. Il est
l’Etre supremement puissant, doue d’omniscience et
d’omnipresence innees et .d’activite infinie. » (Shvetashvatara
Upanishad, 6, 8.) Si Dieu avait ete
depourvu d’activite, jamais it n’aurait pu creer
l’univers, le maintenir, et le reduire a sa forme
elementaire. Donc, tout en etant omnipresent et
omniscient, it possede aussi l’activite.

Q. : Quant it agit, son action est-elle finie ou
infinie ?
R. : Dans le temps et dans l’espace, it agit
exactement comme it veut, ni plus ni moins, parce
qu’il est parfaitement sage.
Q. : Dieu connait-il ses propres limites, ou non ?
R. : L’Esprit supreme est toute connaissance.
Car la connaissance est precisement la comprehension
des choses exactement telles qu’elles sont.
Dieu est infini, donc la connaissance qu’il a de luimeme
comme infini est la vraie connaissance; le
contraire est ignorance. Concevoir une chose
comme infinie lorsqu’elle est en realite finie, et
vice versa, est appele ignorance. La conception de
la nature, des qualites et des caracteres des choses
telles qu’elles sont est appelee la vraie connaissance.
C’est pourquoi le Yoga ShAstra definit Dieu comme
it suit : « L’Esprit omnipenetrant, denue de douleur,
de chagrin et d’ignorance, libere du desir d’agir en
vue de resultats bons ou mauvais, agreables ou
desagreables ; celui qui est distinct de toutes les
Ames et superieur a toutes, est appele Dieu. *
(Yoga Shastra, Samadhipada I, 24.)

Q. : o L’existence de Dieu ne peut pas etre
prouvee a cause du defaut de preuve par connaissance
directe n; et : o A defaut de preuve par connaissance
directe, it ne saurait y avoir d’inference
ou autres preuves. » (SAmkhya ShAstra, I, 12; V,
11.) Puisque ces deux especes de preuves — la
connaissance et ‘Inference — sont impossibles, les
autres — telles que le temoignage d’un temoin
loyal — ne sauraient exister non plus. Donc l’existence
de Dieu ne peut etre prouvee.
R.: Vous vous meprenez; le sens reel des aphorismes
precites, c’est que la preuve par la connaissance
directe fait defaut non pas pour prouver
l’existence de Dieu, mais pour prouver qu’il est la
cause materielle de l’univers. Dans le meme chapitre,
en effet, on trouve les aphorismes suivants :
Si l’Esprit omnipenetrant etait la cause materielle
de l’univers, it se transformerait en divers
objets materiels, de la meme fa con que la matiere
primordiale, par la combinaison des atomes invisibles
et menus, se metamorphose en divers objets
visibles et tangibles. Il n’est donc pas la cause
materielle, mais la cause efficiente de l’univers. *
(Samkhya Shastra, V, 8.)

L’Upanishad egalement parle de la matiere
primordiale comme de la seule cause materielle de
l’univers : (4 La matiere primordiale se change en les
divers objets de ce monde. 1) (Samkhya Shistra,
V, 12.)
La matiere, qui est soumise au changement, est
transformable, tandis que Dieu — l’Esprit omnipenetrant
— &ant inalterable, ne se metamorphose
en aucune forme ou figure. Inchangeable, it reside
toujours a l’interieur du cceur. Par consequent,
quiconque considere le sage Kapila, l’auteur de
l’aphorisme precite, comme un athee est un athee
lui-meme. Pareillement, les auteurs des Shastras
ne sont pas des athees. Its considerent que celui qui
est omnipresent et omniscient, celui qui penetre
meme l’ame de l’homme, est Dieu. » (Shvetashvatara
Upanishad, 4, 5.)

Q.: Est-ce que Dieu s’incarne ou non ?
R. : Non; parce qu’il est dit dans le Yajur Veda :
« Il est non-ne. .» Et dans un autre passage : « II
domine tout. Il est pur, it n’est jamais ne, et it ne
prend jamais forme humaine.

Q. : Mais Krishna dit dans la Gita : « Lorsque
la vertu est en decadence, j’assume une forme
humaine. » (IV, 7.) Que repondez-vous a cela ?
R. : Cette citation ne peut pas etre consideree
comme faisant autorite, puisqu’elle est opposee au
Veda. Cependant, it est possible que Krishna, etant
tres vertueux et desirant vivement seconder la cause
de la justice, ait desire renaitre a diverses reprises
pour proteger les bons et punir les mechants. Si
tel est le cas, it n’y a aucun mal a cela, parce que
tout ce que possedent les bons et les Brands — leurs
richesses, leurs corps, voire meme leurs cceurs —
est au service de l’hurnanite. Malgre tout cela,
Krishna n’aurait jamais pu etre Dieu.

Q. : S’il en est ainsi, pourquoi les gens croient-ils
aux vingt-quatre incarnations de Dieu ?
R. : Les gens sont induits en erreur parce qu’ils
ne connaissent pas le Veda; egares par les sectaires
et denues d’instruction, it n’est pas surprenant
qu’ils croient et repetent de tels mensonges.

Q. : Des etres aussi mechants que Rdvana et
Kansa, comment auraient-ils pu etre detruits, si
Dieu ne s’etait pas incarne ?
R. : Prernierement, tout ce qui nait est assure de
mourir. Deuxiemement que sont Itivana et Kansa
par comparaison avec le Dieu omnipotent, qui
cria cet univers sans s’incarner, qui le soutient et
peut le dissoudre en ses elements composants ?
Etant omnipresent, it penetrait egalement les corps
de Ravana et de Kansa; it aurait pu a volonte les
priver de vie, ou les tuer a l’instant. N’est-il donc
pas un sot celui qui pretend que l’Esprit supreme,
possedant une puissance, des attributs et une activite
infinis, assume une forme humaine et se soumet
aux naissances et aux morts successives rien que pour
tuer une creature insignifiante ? Et si l’on soutient
que Dieu s’incarne pour le salut de ceux qui
l’adorent, cela ne peut etre vrai non plus, car si les
hommes se conduisent selon la volonte de Dieu,
it est assez puissant pour les sauver.

Quoi ! La
destruction d’un Kansa ou d’un Ravana, ou le fait
de soulever une montagne comme le Govardhana,
seraient choses plus difficiles que la creation, le
maintien et la desintegration du soleil, de la lune, de
la terre et des autres planetes ? Quiconque reflechit
sur les °grandes choses que Dieu a faites ne peut
qu’arriver a cette conclusion :i< Il n’y a nul etre
semblable a lui, et it n’y en aura jamais. » L’incarnation
de Dieu ne peut pas non plus etre demontree
par la raison, de meme que l’on ne saurait pretendre
que l’espace entre dans la matrice, ou qu’on puisse
le tenir dans la main. L’espace, etant infini et
omnipresent, ne saurait ni entrer ni sortir; pareillement,
on ne peut jamais dire de Dieu, qui est infini
et omnipresent, qu’il peut entrer ou sortir. On peut
dmettre que Dieu va quelque part, ou vient de
quelque part, seulement si l’on croit qu’il est des
lieux ou it ne se trouve pas. Dieu n’etait-il pas déjà
present dans la matrice, aussi bien qu’au dehors,
lorsqu’on dit de lui qu’il y est entre ou qu’il en est
sorti ? Seuls des titres prives d’intelligence peuvent
croire et dire des choses pareilles au sujet de Dieu.
Il importe donc de comprendre que le Christ et
d’autres n’etaient pas des incarnations de la divinite.
Soumis aux passions et aux &sirs, a la faim
et a la soif, a la peur et au chagrin, aux renaissances
et a la mort, ils etaient tous des hommes.

Q. : Dieu pardonnera-t-il les peches de ceux qui
l’adorent ou non ?
R.: Non; car s’il pardonnait leurs peches, sa
loi de justice serait detruite, et tous les hommes
deviendraient de grands pecheurs. Certains que
leurs peches leur seraient pardonnes, ils perdraient
toute crainte et seraient encourages a en commettre
de nouveaux. Par exemple, si celui qui gouverne un
pays pardonnait aux criminels, ils seraient encourages
a commettre des crimes plus grands encore.
C’est done un devoir pour Dieu que de donner
aux Ames les justes fruits de leurs actes, sans leur
pardonnei leurs peches.

Q.: L’ame humaine agit-elle librement ou non?
R. : Elle agit librement quant aux actes qu’elle
accomplit, mais elle est soumise aux lois de Dieu
quant aux fruits qu’elle en re pit. Seul agit reellement,
celui qui est libre d’agir.

Q. : Que signifie : agir librement?

R.: II agit librement celui qui a subordonne a sa
volonte le corps, les forces vitales, les sens et
l’esprit. Si l’ ame n’agissait pas librement, elle ne
recolterait pas les fruits de ses actions — bonnes ou
mauvaises. Les soldats qui executent les ordres de
leur officier ne sont pas coupables de meurtre,
menu s’ils tuent beaucoup d’hommes sur le champ
de bataille; de meme, si Dieu influencait la conduite
des hommes, ou si les actions humaines etaient
subordonnees it sa vold’fite, ce ne seraient pas les
Ames humaines qui porteraient les consequences
de leurs actions, mais Dieu lui-meme. S’il etait
l’inspirateur de toutes les actions, ce serait lui seul
qui souffrirait ou qui se rejouirait. Si un homme en
assassine un autre avec une arme, c’est lui seul et
non pas son arme qui est arrete et puni; de la meme
facon, les Imes subordonnees is la volonte de Dieu
ne pourraient en toute justice etre obligees de recolter
les fruits de leurs actes coupables ou vertueux.
Il s’ensuit donc que fame est Libre d’agir selon ses
capacites; mais une fois commis un acte coupable,
elk est soumise a l’action des lois de Dieu, et de
cette facon recoit la retribution de son Oche.
Autrement dit, Arne Agit librement quant ik l’accomplissement
des actes, mais elle doit se soumettre
a la loi divine qui lui inflige douleur et misere pour
ses peches.

Q. : Si Dieu n’avait cree l’arne en la douant
d’energie, elle n’aurait jamais rien pu faire, donc
tout ce que fait rime humaine resulte uniquement
de l’impulsion divine.
R. : L’ame n’a jamais ete creee ; elle est sans
commencement, comme Dieu et la cause materielle
de l’univers — la matiere primordiale. Le corps
et les organes du corps ont ete faits par Dieu, mais
ils sont tous sous le controle de Fame. Or, c’est
celui qui accomplit une action, bonne ou mauvaise,
qui en recolte le fruit, et non pas Dieu l’auteur
de son corps et de ses organes. Illustrons notre
point de vue : un homme a extrait du fer d’une
montagne et l’a vendu A urt marchand; un forgeron
a achete ce fer; dans sa boutique, it en a fabrique une
epee et a vendu celle-ci A un soldat qui s’en est
servi pour tuer un homme. Ce n’est pas le mineur,
ni le marchand de fer, ni le forgeron, ni l’epee,
que le roi tiendra responsable du crime d’assassinat
et punira. Mais le soldat qui en a tue un autre avec
l’epee sera arrete. De la meme facon ce n’est pas
Dieu — l’auteur du corps et de ses organes — qui
recoit les fruits des actions accomplies par l’ Arne.
D’autre part, c’est lui qui oblige Fame A porter les
consequences de ses actes. Si Dieu etait l’auteur des
actions, aucune • .me n’aurait jamais commis un
peche, car lui, qui est pur et juste, n’aurait jamais pu
pousser une Arne a commettre un peche. Donc, ii
s’ensuit que Paine agit librement en accomplissant
ses actes, et la meme chose peut etre affirmee de
Dieu.

Q. : Que sont Dieu et l’ Arne en essence, et
comment definissez-vous leur nature, leurs attributs
et leurs actions ?
R. : En essence, l’un et l’autre sont des entites
conscientes; quant leur nature, tour deux sont
purs, immortels et vertueux, etc… mais la creation,
le maintien, la dissolution et le controle de l’univers,
la recompense des actes — bons ou mauvais — des
Ames, sont les justes actions de Dieu. Tandis que la
reproduction et l’education des enfants, la diffusion
de la connaissance et des arts, etc… sont les actions
de l’ Arne, qui peut etre vertueuse ou coupable. La
connaissance, la beatitude eternelles, l’omnipotence,
etc… sont les attributs de Dieu, tandis que
ceux de lame sont : le &sir d’acquerir des objets,
la repulsion, l’activite, les sensations de plaisir et
de souffrance, la conscience, l’inspiration et l’expiration,
le fait d’ouvrir et de fermer les yeux, la
croissance organique, le discernement, la memoire,
l’individualite, le mouvement, le controle des sens,
les changements et desordres internes, tels que la
faim et la soif, la joie et le chagrin, etc… Ces attributs
de lame la distinguent de Dieu. L’existence
de l’ ame n’est connue que par ses attributs, puisqu’elle
n’est pas materielle, ni perceptible par les
sens

Ces attributs ne se manifestent que lorsque
lame habite le corps, mais ils cessent de le faire
des que l’ Arne l’abandonne. Les qualite,s qui se
manifestent en presence d’une substance et cessent
de le faire en son absence, appartiennent uniquement
3 cette substance; comme par exemple la
lumiere est la propriete du soleil et de la lampe, car
elle est absente en leur absence et presente en leur
presence. Pareillement, Dieu et l’Ame sont connus
par leurs attributs.

Q. : Puisque Dieu est informe des trois periodes
du temps (passe, present, avenir), it connait l’avenir,
et l’ ame agit forcement selon ce que Dieu a
prevu. Par consequent, elle n’agit pas librement.
Donc, it n’est pas juste que Dieu la chatie pour ses
mauvaises actions, puisqu’elle agit selon les previsions
divines.
R. : Il est insense d’affirmer que Dieu connait
les trois periodes du temps, car ce qui cesse d’exister
est appele passe, et ce qui n’est pas encore, mais
viendra a l’existence, est appele avenir. Or, y a-t-il
quelque espece de connaissance qui cesse d’exister
avec Dieu ou que, ne possedant pas a present, it
puisse acquerir dans l’avenir? La connaissance de
Dieu est toujours uniforme et ininterrompue. II
vit toujours dans le present. Le passe et l’avenir
ne se rapportent gin Fame humaine. Il est vrai
cependant que la connaissance des trois periodes
du temps existe en Dieu, lorsqu’on le considere par
rapport aux actions de Fame et non dans l’absolu.
Ainsi que Arne agit en vertu de son Libre arbitre,
de meme Dieu sait ce qu’elle fait en vertu de son
omniscience. Autrement dit, Dieu possede la
connaissance du passé, du present et de l’avenir et
recompense les Ames selon leurs merites; tandis que
ame agit librement dans tout ce qu’elle fait, tout
en possedant du present une connaissance limitee.
La connaissance de Dieu, relativement aux Ames
humaines et a leurs actions, est sans commencement,
et de meme la connaissance des justes punitions
qu’il doit infliger. Ces deux especes de conDIEU
naissance sont vraies toutes deux. Est-il possible
que sa connaissance des actions soit vraie et que celle
de la retribution de la justice soit fausse ? Donc
votre objection ne tient pas.

Q. : Les Ames logees dans les differents corps
sont-elles distinctes, ou y a-t-il une seule ame qui
les penetre toutes ?
R. : Elles sont distinctes. S’il n’y avait qu’une
seule ame qui les penetre toutes, l’etat de veille,
le sommeil, le sommeil profond, la naissance et la
mort, l’union et la desunion (avec le corps et avec
les sees) ne pourraient jamais se produire. La
nature de lame est donc finie, et de meme sa connaissance.
Elle est subtile, mais Dieu est plus
subtil encore, infini, omnipresent, omniscient par
nature. Donc, pour exprimer le rapport entre Dieu
et Paine, on peut dire que Dieu penetre fame
humaine, et que celle-ci est penetree par Dieu.

Q.: Une chose ne peut pas etre elle-meme et en
meme temps en contenir une autre ; donc Dieu et
l’ame ne peuvent qu’etre etroitement lies, mais l’un
ne saurait penetrer l’autre.
R. : La loi que vous invoquez vaut pour les
choses de la meme condition, mais non pour celles
de nature differente. Le fer est grossier, tandis
que l’electricite est subtile; cette derniere penetre le
fer et reside dans le mane espace que lui. Pareillement,
fame humaine est moins subtile que Dieu,
tandis que celui-ci est plus subtil qu’elle. Donc
c’est Dieu qui penetre Fame humaine, tandis que
l’ Attie est penetree par Dieu.
De la meme fa con on peut considerer le rapport
entre Dieu et Paine comme la relation du soutien
au soutenu, du maitre au serviteur, du gouvernant
au gouverne, du pere au fils..

Q. : Si Dieu et l’ame humaine sont distincts,
comment interpreterez-vous les puissantes paroles
des Vedas : a Je suis Dieu », o to es Dieu », Paine
est’ Dieu » ?
R. : Ces paroles ne sont pas des textes vediques,
mais des citations des Brahmanas. Les vrais
Shastras ne les qualifient pas de o puissantes ».
Leur sens veritable est le suivant :

Prenons d’abord la premiere citation; elle ne
signifie pas x je suis Dieu », mais « je vis en Dieu ».
Nous nous trouvons ici en presence d’une figure
de rhetorique qui consiste a < substituer le contenant
ou le soutien au contenu ou an soutenu ».
11 faut donc comprendre, par ce texte, que Dieu,
qui est le soutien, se substitue a l’ame qui est
soutenue par lui ou contenue en lui. Si vous dites
que toutes choses existent en Dieu, a quoi sert de
dire que ame existe en Dieu? Nous repondrons
que Bien qu’il snit vrai que toutes choses existent en
Dieu, rien n’est si pres de Dieu que l’ame humaine.
Puisqu’elle possede des attributs similaires, Fame
humaine seule peut connaitre Dieu et vivre en sa
presence meme, lorsqu’elle realise son salut, ayant
alors de Dieu une connaissance directe. Ainsi, la
relation de Dieu avec l’ame est celle du contenant,
avec l’objet contenu; c’est aussi la relation de deux
compagnons. Il est donc clair que Dieu et l’ ame
ne sont pas un. Ainsi qu’une personne dit en par-.
lant d’une autre : « lui et moi nous ne sommes
qu’un », c’est-i-dire en harmonie complete l’un
avec l’autre — de la meme facon fame humaine,
attiree irresistiblement vers Dieu par un amour
extreme et completement plongee en lui durant le
sam Adhi, peut dire : « Dieu et moi nous ne sommes
qu’un », c’est-a-dire en harmonie complete l’un
avec l’autre. Seule l’Arne qui devient semblable a
Dieu par sa nature, ses attributs et son caractere,
peut declarer son unite et son harmonie avec Dieu.

Q.: Quel sens donnerez-vous alors au deuxieme
texte : « Tat (Dieu, Brahman), tvam (toi, Arne), asi
(tu es), » — c’est-i-dire : 4 0 Arne! tu es Dieu » ?
R. : Qu’entendez-vous par le mot 44 tat * ?
Q. : Brahman (Dieu).
R. : Comment savez-vous que le mot 4( tat r se
rapporte a Brahman ?

Q. : Parce que le mot Brahman se trouve dans la
phrase qui precede cette citation.
R. : N’avez-vous donc jamais lu la ChhAndogya
Upanishad (le livre dont la citation est tiree)? Si
vous l’aviez lue, vous n’affirmeriez pas que le mot
Brahman se trouve dans ce texte. Il ne s’y trouve
pas.
Q. : Qu’entendez-vous alors par le mot «tat »?
R. : L’Esprit supreme que nous devons chercher.
11 est infiniment subtil, it est Paine de tout l’univers
materiel, aussi bien que de l’ Arne humaine; cet
Esprit meme est la grande realite. Lui-meme est
sa propre Ame.

« 0 mon cher fils Shvetaketul « Tat », cet Esprit
supreme, omniscient, est en toi. Seule cette interpretation
est en harmonie avec les Upanishads.
C’est ainsi que le grand sage Yajnavalkya dit a sa
femme dans la Brihad-aranyaka Upanishad : « 0
Maitriyi!, le grand Dieu reside dans l’ame, et tout
de meme it en est distinct. L’ame ignorante ne sait
pas que cet esprit supreme la penetre. L’ame est
pour lui un corps. Autrement dit, de meme que
ame reside dans le corps, ainsi Dieu reside dans
l’ame, et cependant it est different d’elle. Il est le
temoin de ses actes, bons ou mauvais; it recompense
ses merites, et la tient de cette maniere sous son
controle. Sache done, o Maitreyi, que ce meme Etre
immortel, omniscient, reside en ton arne.* (Chhandogya
Upanishad, VI, 8, 6, 7.)

Est-il possible de donner une interpretation
differente a des textes tels que ceux-ci ?
Maintenant, je parlerai du troisieme texte qua-
He de «puissant*: « Cette ame est Dieu (Brahman). *
Son veritable sens est celui-ci : lorsqu’un yogin,
pendant l’etat d’extase (samadhi), connait Dieu
d’une maniere immediate, c’est-h-dire, voit Dieu,
it dit : « Celut-ci (le vrai Dieu qui reside en moi)
est Brahman, c’ est- a-dire, it penetre l’univers entier.*
Donc it est clair que les vedintistes d’aujourd’hui,
qui affirment que l’ame humaine et Dieu sont la
meme chose, ne comprennent pas le Vedanta
Shastra.

Q. : Comment, alors, pouvez-vous prouver la
doctrine de non-dualite, clairement expos& dans
les Upanishads, ainsi que le demontre la citation
uivante de la Chhandogya : s 0 mon cher fils,
au commencement it n’y avait qu’un seul (Dieu) et
aucun mitre *? Selon notre croyance, puisqu’ a
l’exception de Brahman, l’existence de toutes choses
est nice (qu’elles soient de la meme nature que
Brahman, ou d’une nature differente, ou considerees
comme parties differenciees du meme Brahman),
l’existence de Brahman seule est demontree. Comment
pouvez-vous soutenir la doctrine de la nondualite,
si vous croyez que Brahman (Dieu) est
distinct de rime ?
R. : Pourquoi etes-vous tombe dans cette erreur ?
Ne craignez point, et essayez de comprendre le
rapport d’un adjectif et d’un substantif. Quelle
est la fonction d’un adjectif ?

Q. : Sa fonction est de differencier.
R. : Alors pourquoi ne pas admettre qu’il sert
elucider et a expliquer le caractere du substantif ?
11 importe de comprendre que dans le verset cidessus
le mot i advitiya », qui signifie : sans second,
est un adjectif qui qualifie le substantif Brahman ; sa
fonction discriminative est de differencier Brahman
des innombrables Ames et atomes, tandis que sa fonction
explicative est d’etablir qu’il n’y a qu’un Dieu.

Q. : Dieu et l’ ame possedent en commun les
attributs d’existence, de conscience, de beatitude;
par consequent ils sont un. Pourquoi donc refutezvous
cette croyance ?
R. : Le fait que deux choses possedent quelques
attributs communs ne les empeche pas d’être
distinctes l’une de l’autre. Prenez par exemple les
solides, les liquides et le feu. Tous sont inanimes et
visibles, mais cela ne suffit pas a en faire une seule et
meme chose. Des qualites speciales les distinguent.
La durete, etc… qui se rencontre dans les corps
solides; la fluidite, etc… qui se rencontre dans les
liquides; la chaleur et la lumiere dans le feu. Ces
caracteristiques les differencient les uns des autres
et les empechent d’être consider& comme identiques.
Prenons encore un autre exemple : un
homme et une fourmi voient tous deux avec leurs
yeux, mangent avec leur bouche, et marchent avec
le.urs pieds, mais ils ne sont pas identiques, puisque
leurs corps n’ont pas la meme forme, l’homme
ayant deux pieds, tandis que la fourmi en a davantage,
etc… Pareillement les attributs de Dieu tels
que l’omniscience, l’omnipresence, l’omnipotence,
la beatitude et l’activite infinies, sont differents de
ceux de l’ame; et les attributs de l’ame — tels que
la connaissance finie, la puissance finie, la nature
finie, le fait qu’elle est sujette a I’erreur — &ant
differents de ceux de Dieu, Dieu et l’ame ne peuvent
jamais etre un. Meme en essence ils sont differents
puisque Dieu est extremement subtil et l’ame
moins subtile que Dieu.

Q. : s Celui qui fait la plus petite distinction
entre l’ame et Dieu est soumis a la crainte, car la
crainte n’est possible que vis-a-vis d’une seconde
personne. u (Brihad-aranyaka Upanishad.) Ce passage
n’indique-t-il pas l’unite de Fame avec Brahman ?
R.: Votre traduction de ce verset est fausse. Le
sens correct est le suivant : lame qui nie !’existence
de 1’Etre supreme, qui !’envisage comme limite
un temps ou a un lieu particulier, qui se conduit
contre la volonte, la nature, le caractere et les
attributs de Dieu, ou qui garde rancune a une autre
ame, devient soumise a la crainte. Car celui-la seul
a peur de Dieu ou de l’homme qui croit que Dieu
n’a rien a faire avec lui, ou qui dit a un autre
homme : « Pourquoi me soucierais-je de vous ? Que
pouvez-vous faire contre moi ? n Ou qui fait du
tort et cause de la souffrance aux autres. Ceux qui
font regner l’harmonie entre eux en toutes choses
sont appeles un, comme, par exemple, dans !’expression
souvent employee : « Devadatta, Yajnadatta
et Vishnudatta (1) sont un ce qui veut dire
qu’ils sont tous du meme avis. L’harmonie est la
cause du bonheur, tandis que le manque d’harmonie
engendre misere et peine.

Q. : Dieu et l’ame restent-ils toujours distincts
l’un de l’autre, ou atteignent-ils parfois a l’identite ?
R. : Nous avons dej a repondu partiellement
cette question, mais nous ajouterons ici qu’ils sont
un par la similitude de leurs attributs, et du fait
de la parente etroite qui les associe l’un a l’autre.
De meme qu’une substance materielle solide est
identique a l’espace dans la mesure oil elle est
denuee de vie et associee inseparablement avec lui;
tous deux sont cependant distincts l’un de l’autre,
a cause de la dissemblance de leurs attributs (omni-
(1) Trois prenorns. (N. du T.)
presence, subtilite, absence de forme, infinite, etc…
de l’espace; caractere limite, visibilite, et autres
attributs d’un objet solide). Autrement dit, un
objet solide ne peut jamais etre separe de l’espace,
puisqu’il ne peut exister que dans l’espace, mais
a cause de leurs dissemblances de nature, l’objet et
l’espace sont toujours distincts l’un de l’autre. De
la meme maniere, l’ ame et les objets materiels ne
peuvent jamais etre separes de Dieu qui les penetre
tous, mais d’autre part Hs ne peuvent pas non plus
etre un avec lui, puisqu’ils sont de nature differente.
Pareillement, lame, tout comme la cause materielle
de l’univers, etant penetrees par Dieu, ne sont, ni
ne seront jamais separees de lui. Cependant, &ant
differentes de lui par leur nature, elks ne peuvent
jamais etre identiques a lui.

Q. : Dieu est-il une entite positive (saguna :
possedant des attributs) ou negative (nirguna :
denuee d’attributs).
R. : Il est l’un et l’autre.

Q. : Comment peut-on mettre deux epees dans
le meme fourreau ? Comment une chose peut-elle
etre en theme temps positive et negative ?
R. : Une chose qui possede certaines qualites
est appelee saguna ou positive, tandis qu’une autre
qui est depourvue de certaines qualites est appelee
nirguna ou negative. Donc toutes les choses sont
positives et negatives en mane temps, &ant donne
qu’elles possedent certaines qualites et que d’autres
leur font defaut. Par exemple, les objets materiels
sont positifs, parce qu’ils sont Visibles et doues
d’autres proprietes, mais ils sont negatifs, parce
qu’ils sont depourvus d’intelligence et autres attributs
propres aux titres conscients. De la mane
facon, les titres conscients (tels que les Ames) sont
positifs par le fait qu’ils sont doues d’intelligence,
mais ils sont negatifs puisqu’ils sont invisibles et
depourvus d’autres proprietes qui caracterisenr
les objets materiels. 11 s’ensuit que toutes les chosen
sont A la fois positives et negatives, par le fait qu’elles
possedent certaines proprietes et sont depourvues
des proprietes opposees. Il n’y a pas une seule
substance qui soit exclusivement positive ou exclusivement
negative. De la meme facon, Dieu est
positif puisqu’il possede certains attributs naturels,
tels que romniscience, l’on-mipresence, etc… Il
est negatif egalement puisqu’il est depourvu de
visibilite et autres proprietes des objets materiels,
puisqu’il n’est pas sujet aux sensations de plaisir
et de douleur qui sont le propre de l’ Ante.

Q. : On appelle generalement une chose nirguna
(negative) si elle est informe, et saguna (positive)
si elle possede une forme. Autrement dit, Dieu est
appele saguna (positif) quand it est incarne, et
nirguna (negatif) lorsqu’il n’est pas incarne. Cette
interpretation des termes positif et negatif est-elle
correcte ?
R. : Non, c’est une fausse conception entretenue
par des esinits ignorants, depourvus de vraie
connaissance. Les ignorants font toujours un bruit
insense comme le beuglement du betail. Leurs
affirmations doivent etre considerees comme non
valables, de meme que les divagations d’un individu
qui delire sous l’empire d’une fievre violente.

Q.: Dieu est-il rdgin (possedant des sentiments et
des passions, etc…) ou virakta (ayant renonce
tout) ?
R. : Ii n’est ni l’un ni l’autre. Car on ne peut
desirer la possession d’une chose que si. elle est en
dehors de soi, ou meilleure que soi; mais ii n’y a rien
qui soit en dehors de Dieu, ou separe de lui, ou qui
soit meilleur que lui; it est donc impossible que
Dieu soit ragin. D’autre part, est appele virakta
celui qui renonce a tout ce qu’il a; Dieu, qui penetre
toute chose, ne saurait renoncer a rien. Donc, it
n’est pas non plus virakta.

Le Veda
Nous parlerons maintenant du Veda. Les Vedas
sont les livres reveles par Dieu.
L’Atharva Veda dit : « Qui est le grand Etre qui
a revele ie Rig Veda, le Yajur Veda, le Sarna Veda
et l’Atharva Wda ? C’est I’Esprit supreme qui crea
l’univers et qui le maintient. » (Atharva Veda, X, 23,
4, 20.) Et le Yajur Veda dit encore : « Le grand
Souverain de l’univers existant par lui-meme, omnipresent,
saint, eternel et sans forme, a perpetuellement
enseigne a ses sujets (les Ames immortelles)
toutes les especes de connaissance, pour leur bien,
au moyen du Veda. » (Yajur Wda, LX, 8.)

Q. : Dieu est-il sans forme, ou incarne ?
R. : Il est sans forme.
Q. : Etant sans forme, comment aurait-il pu
reveler le Veda sans se servir des organes de la
parole ? Car pour la prononciation des mots, l’usage
d’organes tels que le palais, et un certain effort de la
langue sont indispensables.
R.: Etant omnipotent et omnipresent, it n’a pas
besoin des organes de la parole pour reveler le Veda
aux rimes humaines ; car les organes de la parole,
tels que la bouche, la langue, etc… sont necessaires
pour s’adresser une autre personne, mais non pas
en se parlant a soi-meme. L’experience quotidienne
nous prouve que toutes sortes de processus mentaux,
de meme que la formation des mots, ont lieu
continuellement dans notre esprit sans l’intervention
des organes de la parole. Meme en se bouchant
les oreilles avec les doigts, on pent percevoir une
variete de sons differents, qui ne sont pas produits
par les organes de la parole. Le Dieu sans forme,
ayant revele la connaissance parfaite du Veda au
cur d’un etre humain, en vertu de sa presence
en lui, cet homme l’enseigne d’autres par le moyen
du discours.

Q.: Au cur de quels sages Dieu a-t-il revele le
Veda?
R. : a Au commencement Dieu revela les quatre
Vedas, Rig, Yajur, Sima et Atharva, 3 Agni, Viyu,
Aditya et Angira, respectivement. * (Shatapatha
Brahmana, XI, 4, 2, 3.)

Q.: Mais it est ecrit dans la Shvetashvatara Upanishad
: a Au commencement, Dieu crea Brahma et
revela les Vedas a son cceur. A (Shvetashvatara, 6,
18.) Pourquoi dites-vous qu’ils ont ete reviles a
Agni et aux autres sages ?
R. : Brahma fut instruit dans la science du Vida
par le moyen des quatre sages dont Agni est l’un.
Remarquez ce que dit Manu : e Au commencement,
quand les etres humains furent cries, l’esprit
supreme communiqua les Vidas a Brahma par le
moyen d’Agni, etc… C’est-i-dire Brahma apprit les
quatre Vedas d’Agni, de Vayu, d’Aditya et d’Angira.
(Manu, I, 23.)

Q. : Pourquoi Dieu aurait-il rivere le Vida ces
quatre hommes seulement et pas aux autres ? Le
pretendre, c’est accuser Dieu de favoritisme.
R. : Entre tous les hommes, ces quatre
avaient le cceur le plus pur. C’est pourquoi Dieu ne
rivela qu’a eux seuls la connaissance veritable.

Q. : Pourquoi Dieu a-t-il revile les Vedas en
sanskrit et non pas dans une autre langue ?
R. : S’il les avait reviles dans la langue d’un pays
particulier, it eut ete partial envers ce pays, car it
etlt ete plus facile aux habitants de ce pays qu’aux
strangers d’apprendre et d’enseigner les Vedas;
c’est pourquoi it a choisi le sanskrit, qui n’appartient
aucun pays particulier et qui est la mere de toutes
les langues.

Q. : Comment pouvez-vous prouver que le Veda
est d’origine divine et non pas l’ceuvre de l’homme ?
R. : Le livre ol). Dieu se (teeth tel qu’il est, c’esta-
dire saint, omniscient, pur de par sa nature, son
caractere et ses attribute, juste, misericordieux,
etc… et ob rien n’est dit qui soit oppose aux lois de
la nature, a la raison, a revidence de la connaissance
directe, etc… ; le livre of les enseignements des
aptas (instructeurs de l’humanite, savants et
altruistes) sont contenus, de meme que les intuitions
des Ames pures, et dans lequel les lois, la
nature et les proprietes de la matiere et de 1′ ame
sont exposees telles qu’elles sont — tel est Bien
le livre de la revelation divine. Or, les Vedas seuls
repondent a toutes ces conditions. Done, eux seuls
constituent la revelation

Q. : Il n’est pas necessaire que les Vedas soient
reveles par Dieu. Les hommes peuvent eux-memes
augmenter graduellement leur connaissance et
ensuite composer de tels livres.
R. : Non, its ne le peuvent pas, car it ne saurait y
avoir d’effet sans cause. Regardez les sauvages,
tels que les Bhils. Peuvent-ils jamais se cultiver
par eux-memes, sans etre instruits par d’autres ?
La meme chose est vraie des hommes appartenant
aux societes civilisees; pour devenir des hommes
cultives, ils ont besoin d’etre instruits. Pareillement,
si Dieu n’avait pas enseigne aux premiers sages la
science du Veda, et si ceux-ci n’avaient pas a leur
tour instruit ceux qui les entouraient, tour les
hommes seraient restes ignorants. Si un enfant
etait sequestie depuis sa naissance, sans autre
societe que celle de gens illettres ou d’animaux, en
atteignant a la maturite, it ne serait pas superieur
a son milieu. Prenez, par exemple, le cas de
1’Egypte, de la Grece, ou du continent europeen.
Les peuples de ces pays etaient completement
&nu& d’instruction avant ]’expansion de la connaissance,
qui est venue de l’Inde. De meme, les
indigenes de l’Amerique etaient rester sans instruction
pendant des centaines et des milliers d’annees
avant l’arrivee de Colomb et des autres Europeens.
De meme, au commencement du monde, les
hommes recurent la connaissance de Dieu.

Patanjali dit dans son Yoga Shastra : « De meme
qu’au temps present nous ne sommes eclair&
qu’apres avoir rep ]’instruction de nos maitres,
ainsi au commencement du monde Agni et les trois
autres sages (rishis) furent instruits par le plus
grand de tous les maitres — Dieu. * (Yoga Shastra,
Samadhi, 26.)
Sa connaissance est eternelle. 11 est tout a fait
different de l’ame humaine, qui est privee de
conscience dans le sonuneil profond et pendant la
periode de dissolution. II est done certain qu’aucun
effet ne peut se produire sans cause.

Q. : Les Vedas furent revel& dans la langue
sanskrite. Or les rishis ignoraient cette langue.
Comment, alors, purent-ils comprendre les Vedas ?
R. : Dieu les leur revela ; ces sages, qui etaient
des yogins, imbus de piete et du &sir de comprendre
le sens de certains mantras, et dont l’esprit possedait
le pouvoir de concentration parfaite, pouvaient
entrer dans la condition superieure appelee samadhi
par la contemplation de la divinite. Dieu leur
enseigna le sens des mantras. Quand les Vedas furent
ainsi reveles a beaucoup de rishis, ceux-ci composerent
des explications avec illustrations historiques
des mantras vediques et les incorporerent dans des
livres appeles Brahmanas, ce qui signifie litteralement
: exposition du Veda.

* Les noms des rishis qui avaient a vu * certains
mantras et qui, pour la premiere fois, les publierent
et les enseignerent en les expliquant, sont mentionnes
a cote de ces mantras en signe de souvenir. *
(Nirukta, I, 20.)
Ceux qui considerent ces rishis comme les
auteurs des mantras se trompent absolument. Its
n’etaient que les * voyants 6 de ces mantras.

Q. : Quels sont les livres appeles Vedas?
R.: Le Rig Veda, le Yajur Veda, le Sarna Veda
et l’Atharva Veda, — les Mantra Samhitas seulement,
et non les autres.
Q. : Cependant le sage Kdtydyana dit : e Les
Mantra Samhitas ensemble avec les Brahmanas
constituent le Veda. *
• R.: Vous devez avoir remarque qu’au commencement
de chaque Mantra Samhita et a la fin de
chaque chapitre, it a toujours ete d’usage, depuis un
temps immemorial, d’ecrire le mot : Veda; mais
on ne fait jamais cela dans le cas des Brahmanas.
Nous lisons dans le Nirukta : « Cela est dans le
Vida, cela est dans les Brahmanas. » (Nirukta, V,
3, 4.) De la merne facon, nous lisons chez Panini :
* Dans le Chhandas (Veda) et dans les Brahmanas
etc…* (Ashtddhydvi, IV, 2, 66.) Il est clair, d’apres
ces citations, que le Veda est le nom de .livres
distincts des Brahmanas. Le Veda est ce qu’on
appelle la Mantra Samhit a, c’est-A-dire une collec
tion de mantras, tandis que les Br ahmanas sont les
explications de ces mantras. Ceux qui veulent en
savoir davantage a ce sujet peuvent consulter notre
livre : « Introduction au commentaire des Vedas. *

Q. : Combien y a-t-il de Shakhiis annexees aux
Vedas ?
R.: Onze-cent-vingt-sept.
Q.: Que sont exactement ces Shakhas (branches) ?
R.: Ce sont des explications.
Q.: On entend des gens instruits parler des
differentes parties du Veda comme etant des Shakhas.
Se trompent-ils ?
R. : En reflechissant un peu, vous comprendrez
qu’ils se trompent. Les quatre Vedas — les livres
de la revelation divine — sont comme le tronc d’un
arbre dont les branches (shakhas) sont les livres
ecrits par des rishis et non pas revel& par Dieu.
De meme que les parents sont bons envers leurs
enfants et desirent leur prosperite, ainsi 1’Esprit
supreme, dans sa bonte envers tous les hommes,
revela le Veda; par l’etude du Veda, les hommes
sont liberes de l’ignorance et de l’erreur, ils peuvent
atteindre a la lumiere de la vraie connaissance et
jouir ainsi d’un tres grand bonheur, en meme temps
qu’ils font progresser la connaissance et augmentent
leur prosperite.

Q.: Les Vedas sont-ils eternels ou non-eternels ?
R. : Its sont eternels. Dieu &ant eternel, sa
connaissance et ses attributs doivent necessairement
etre eternels, car la nature, les attributs et le caracthe
d’une substance eternelle sont aussi eternels.

Q. : Et ce livre, intitule le Veda, est-il aussi
&erne’ ?
R.: Non, car ce livre est fait de papier et d’encre,
et ne saurait en aucun cas etre eternel. Mais les
mots, les idees exprimees par ces mots, et le rapport
entre ces mots et ce qu’ils expriment, sont eternels.

Q. : Je comprends. Dieu a donne la connaissance
a ses rishis, qui composerent ensuite les Vedas.
Est-ce bien ainsi que vous l’entendez ?
R. : Il ne peut y avoir d’idees sans mots. Personne,
si ce n’est un etre omniscient, n’a le pouvoir
de faire de telles oeuvres, pleines de toutes sortes de
connaissances, et exigeant la science parfaite de la
musique et de l’art poetique. Il est vrai qu’apres
avoir etudie les Vedas, les rishis, pour elucider les
diverses branches de la connaissance, composerent
des livres sur la grammaire, la philologie, la musique,
la poesie, etc… Si Dieu n’avait pas revele les
Vedas, personne n’aurait pu ecrire quoi que ce
flit. Donc les Vedas sont des livres reveles.
Tous les hommes devraient se conduire selon
leurs enseignements. Interroge sur sa religion, tout
homme doit repondre qu’il appartient a la religion
vedique, c’est-i-dire qu’il croit a tout ce qui est
ecrit dans le Veda.